La Fragilité du Sacré
Depuis le quartier caucasien, sa bien jolie maison il quittait,
Le froid glacial régnait en maître, le cœur de Rain était inquiet.
Il sentait de nombreux regards à glacer le sang, de rats tapis,
À travers les bouches d’égout, leurs yeux le suivaient sans bruit.
De si bon matin, pourquoi l’atmosphère semblait-elle si oppressante ?
Un blizzard tourbillonnant, un vent meurtrier, une ambiance malaisante.
Gloups. La salive spectrale du Yokai restait coincée dans sa gorge,
Surtout lorsqu’il voyait s’envoler les corbeaux et les rouges-gorges.
… Il prit un court moment pour s'asseoir, en se maintenant aux murs.
Il fallait réfléchir : depuis quand l’environnement semblait-il si peu sûr ?
Les ombres dans les ruelles et les coins de rues, partout il les voyait,
Était-ce la folie qui le gagnait, ou une menace qui, à lui, se dévoilait ?
En longeant le sanctuaire, son cœur se mit à battre de plus en plus fort,
La barrière protectrice semblait perdre son éclat, tel de l’eau qui s’évapore,
Transparente, presque absente, il pouvait passer à travers, sans résistance.
Le jeune Yokai aurait-il pu faire cela avant ? Cette pensée lui fit violence.
Vraiment, elle ne lui avait jamais semblé aussi fragile, aussi futile,
Une frénésie s'empara de lui, un sentiment bien inutile, songea-t-il.
En traversant le torii, il ressentit une étrange sensation d'être hors-la-loi,
Mais il devait avertir les prêtres shintō, il y avait de quoi être en émoi.
Quel drôle de sentiment… Il était de l’autre côté de la porte vermillon,
Pénétrant dans un monde où règnent les traditions et les dévotions.
Le long de l’allée principale qui était bordée de lanternes, il avançait,
Les tōrō éclairaient le chemin, leurs lueurs anciennes l’escortaient.
C’est alors que Rain arriva devant l'entrée du haiden, grandiose et imposant,
Pour un être d’une quinzaine de centimètres, l'édifice semblait toucher le firmament.
Il leva les yeux vers la structure céleste, avant de prendre une grande inspiration,
Puis, d'un pas hésitant, celui-ci s'avança, prêt à braver sa propre appréhension.
À l'intérieur, une lumière douce et dorée aussi réconfortante qu’une étreinte,
Veillait sur les statues de divinités, belles et silencieuses, au cœur de l'enceinte.
Le yokai contempla les fresques anciennes, empreintes de sagesse et de mystère,
Son souffle vital s'écoulait en lui avec prudence, telle une rivière silencieuse et claire.
Le voilà qui s'agenouilla devant l'autel, ses mains tremblantes de respect et de peur :
« Grands kamis, écoutez-moi, » murmura-t-il soudain, sa voix empreinte de ferveur.
« Je sens une menace, un danger imminent qui plane sur ce sanctuaire sacré,
Laissez-moi vous aider, laissez-moi tenter d’apporter la paix et la sécurité. »
Soudain, un bruit se fit entendre, brisant le silence apaisant du bâtiment,
Rain releva la tête, ses yeux balayant les environs, incertains et vibrants.
Etait-ce un signe que son appel avait trouvé écho dans la lumière sacrée ?
Ou s'agissait-il d'un visiteur, d’un gardien du sanctuaire, faisant son entrée ?