[Mission - You're welcome] Sofia & Xiao

"Miss Löthbrok. Un appel pour vous. C'est le capitaine de la police. Il aimerait vous parler."

J'avais horreur lorsque ma secrétaire me donnait du "miss". J'avais beau lui rappeler, elle continuait. Bien qu'elle s'excusât, elle oubliait rapidement. J'avais tout simplement fini par accepter, me disant que c'était culturel chez elle de m'appeler ainsi. Elle referma la porte de mon bureau lorsque je lui signalai que j'allais prendre l'appel. Ce genre de coup de fil n'était pas rare en fait. Mon hôpital collaborait souvent avec les forces de l'ordre pour diverses raisons. Mais je ne m'attendais certainement pas à celui-ci.

"Sofia Löthbrok, j'écoute."

J'écoutai attentivement tout ce que le capitaine me disait. Il voulait que je me rende en personne au parc safari pour m'assurer que son homme, déjà sur place, rentrerait en bonne santé de la mission qu'il venait de lui confier. Évidemment, j'acceptai. Maintenant que je savais que quelqu'un était assez fou pour se rendre là-bas, je ne pouvais pas rester ici, les fesses collées dans mon fauteuil. L'homme en question était Fēng Xiāo, qui devait remplacer Nuru, le gardien du parc actuellement indisponible. Pourquoi une telle tâche était-elle confiée à un policier... ? Une tâche qui allait à présent devenir la mienne également.

Je me levai et retirai ma blouse blanche, que je déposai avec grande délicatesse sur le dossier de mon fauteuil. Dans un tel endroit, je devais prendre un maximum d'équipement de premier secours : désinfectant, couverture de survie, kit de suture, compresses et autres bandages. J'accrochai La Völuspá à ma ceinture pour avoir de quoi me défendre en cas de danger. Même si les combats étaient loin, très loin derrière moi, j'avais conservé toutes mes capacités de guerrière. Je m'entraînais toujours après le travail, une façon à moi, entre autres, de me vider l'esprit.

Je sortis de mon bureau, précisant à ma secrétaire d'annuler mes rendez-vous et de m'avertir sur mon bipper au moindre souci nécessitant ma présence. Sinon, il ne fallait en aucun cas me déranger. Sur le parking, ma Ford Mustang m'attendait. C'était le modèle Mach 1 Coupé, de couleur noire. Un vrai coup de cœur ! Je grimpai à l'intérieur et me rendis vers le parc safari. Là-bas, une voiture était déjà garée, probablement celle de Xiāo. Je coupai le contact, pris le sac en bandoulière laissé sur le siège côté passager, et sortis. Je vérifiai une dernière fois que mon bipper était bien allumé et me dirigeai vers un petit monsieur qui semblait attendre ma venue.

"Bonjour, monsieur Fēng. Déclarai-je, solennelle, la main tendue. Löthbrok Sofia, directrice de l'Hôpital du quartier caucasien. Votre supérieur m'a contacté afin de m'assurer de votre survie dans cette mission."

À première vue, je pouvais paraître très froide, "trop" professionnelle voire dénuée de tout sentiment. Mais, après ce qui me semblait une éternité, il m'était à présent difficile de sourire ou de démontrer le moindre enthousiasme pour des formalités que je répétais plusieurs fois par jour, pendant des années, des années et des années. Je ne savais plus quel âge j'avais à présent, tout cela n'avait plus aucun sens pour moi. Une vie aussi longue m'avait rendue presque... blasée, neutre. Mais ce n'était pas le cas. En réalité, j'étais toujours aussi douce et gentille. Il m'était simplement trop difficile à présent de m'extasier sur la banalité.

Je le fixai, avec une certaine tension. Son regard posé sur ma main, puis son simple hochement de tête provoquèrent en moi un étrange sentiment de colère. Comme si quelque chose au fond de moi me hurlait de lui en coller une bonne dans la figure. Il devait comprendre que froisser mon honneur, ne serait-ce qu'un peu, pouvait éveiller celle que j'étais réellement. Cette colère s'estompa bien vite, heureusement. La viking que j'étais s'était bien largement accommodée des règles et du style de vie de cette ville. Je me contentai de retirer ma main et répondre à son hochement de tête par un autre, accompagné d'un sourire aimable.

Son soupire, après avoir évoqué les raisons de ma présence ici, en disait long sur ce petit homme. Inconscient ou tout simplement idiot. L'un empêchait par l'autre bien sûr. Mais je préférais rester optimiste et me dire qu'il était seulement inconscient. Il ne devait pas connaître ce parc. Il ne devait pas savoir. Y aller était une chose. En revenir était une autre. Et les chances d'en revenir sans blessures devaient s'élever à... presque 0%. J'étais une médecin, rien de plus logique pour moi de me tenir éloigné de cet endroit de malheur. Jusqu'à aujourd'hui. Je ne devais pas oublier de remercier le supérieur de Fēng Xiāo pour cette proposition. Si je revenais vivante.

« Je suppose donc qu'il vous a déjà briefé» Lança le petit homme, en référence à ce dernier, justement.

Par les dieux, il était si nonchalant. Ma mâchoire se crispa un bref instant, alors qu'il sortait un papier de sa poche. A à peine plié en deux, coincé entre son majeur et son indexe, il me le tendit. Je le récupérais soigneusement pour l'ouvrir avec mon pouce et lire son contenu. Le gnome. Et ,au vu de la suite du message, on dirait que ce gnome pouvait prendre l'apparence d'autrui ou alors d'envoûter . Et vu comment le message insistait là dessus, ce gnome devait être plus que dangereux. J'inspirai et ouvris la bouche pour parler, mais...

«En route. » Déclara Xiāo.

Le croassement de Huginn à ce moment-là souligna parfaitement le ridicule de cette situation et me confortait dans mon idée : Il n'était pas seulement inconscient. Je le regarde déposer les seaux de nourriture sur le chariot et se mit à le pousser. Je le regardai faire, sans rien dire, le papier en main, qui s'agita avec la fine brise qui venait de passer. Il l'avait lu, ce papier... ? Je le suivis, accompagnée de mes deux corbeaux qui volaient en cercle au dessus de ma tête. Ils n'avaient pas le choix de me suivre de cette façon, maudits par ce Maire qui, en échange de la vie éternelle, avait privé Huginn et Muninn de leur liberté.

Au premier arrêt, un point d'eau était accessible. L'eau semblait limpide, propre à la consommation. Moi qui étais habituée aux neiges du quartier caucasien, me retrouver ici était clairement un supplice pour ma peau de Nordique. Résistante au froid, mais aucunement à la chaleur. Si j'avais ma petite bouteille d'eau dans mon sac, qui devait à présent être plutôt chaude, ou, au mieux, tiède, j'ignorais si mon partenaire avait prévu de quoi boire. Dans le doute, je vins remplir un flacon en verre qui trainait dans ma trousse de secours, pendant que le policier remplissait le premier mangeoire.

"Monsieur Fēng... Puis-je vous faire part d'une suggestion ? J'aimerais que l'on définisse un code, entre nous, par précaution. Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, j'ai vécue bien assez longtemps ici pour comprendre que les mises en garde devaient être prises au pied de la lettre. Si vous êtes d'accord, je vous laisse définir ce code."

La main posée sur le pommeau de mon sabre, Muninn vont se poser sur mon épaule tandis que Huginn alla se servir sans gène dans l'un des seaux posés dans le chariot. Je patientai sagement, un sourire chaleureux aux lèvres, pendant qu'il s'occupait de remplir le mangeoire. L'aider... ? Mon travail, c'était de m'assurer qu'il puisse rentrer, au mieux, en vie. Et il allait se limiter à cela. Et puis de toute façon, il était préférable d'avoir toujours une personne qui faisait attention à ce qui nous entourait.