Carton

Le Branqignoulino, bar latino où l'on bat et abat le carton sur des tables qui chlinguent le mescal et la pisseuse. Jon Fouche aime bien l'endroit. On joue au JACK IN pour de belles sommes d'ani et les joueurs sont de bonne constitution. A la table de notre salingue, on vient d'achever le troisième Set et c'est l'heure d'aller pisser un bol. Jon se vide la vessie allègrement aux latrines et pousse la porte battante sans passer par le lavabo. Direction le comptoir. Il se passe une main dans les cheveux avec un sourire obscène et commande.

« Eh Rita, un vhisky à l'eau pour moi. » Fouche a l'habitude de dire "vhisky", pas "whisky". Une façon de fourcher qu'il affectionne. « J'te sers ça mon beau dégueulasse. » Jon sourit, ses dents pourries en vitrine. Un type vient poser son fion sur le tabouret d'à côté. « Salut Fouche. Dis-voir les cartes sont transparentes ce soir hein ? Je sens qu'tu vas pouvoir me payer ce que tu m'dois. » Jon arque un sourcil et ses lèvres forment une moue façon ventouse voire trou de cul. Sa voix grinçante porte ces mots doux : « Oh, j'ai deux ou trois cartons de Durozin si tu préfères. Tu pourrais en tirer gros. Et puis, n'es-tu pas fin consommateur ? » L'autre sourit, sardonique. « La dernière fois que tu m'as marchandisé une dette, j'ai dû payer les remèdes de tous mes clients. Alors ce soir, c'est en sonnante que tu raques Fouche. » Les yeux jaunes de Jon jaugent le regard de son hôte. Toute négociation est vaine.

Jon récupère son verre et frappe violemment le zinc du plat de sa main libre. Et il s'éloigne, déambulant dans la salle en sirotant, se penchant parfois à l'oreille d'un type attablé, qui ne lui répond jamais. Le créancier reste au comptoir en observant ce foudingue. Il acquiesce avec un œil reptilien.

C’était la fin des cours et Maria était crevée. Toutes ses recherches, en plus des cours et les choses étranges dont elle était témoins vidait complètement son énergie. Elle avait donc besoin de se changer les idées. Sur le chemin du retour, elle avait décidé de passer par les lieux plus commerciaux, pour faire un peu de lèche vitrine. C’est alors qu’elle passa devant le bar à tapas.
 
Un doux souvenir revint en mémoire, un peu trouble. Un voile blanc cachait la scène mentale, mais elle se souvenait de l’essentiel. Ces odeurs de tapas, dans sa si précieuses Colombie, accompagnée de ses amies, Rosa et… et…
 
D’un revers de la main, Maria balaya les souvenirs pour éviter de constater qu’elle commençais déjà à avoir des petites pertes de mémoire.
 
Et Felicia ! Ouf, cela lui était revenu.
 
C’est sans hésité qu’elle entra dans le bar. Elle pris place sur une banquette et se mit à observer. Plus elle observait, plus elle se demandait ce qu’elle faisait ici. Il y avait un type étrange qui se faisait appeler « le beau dégelasse » par la serveuse. Et plus la conversation continuait, plus Maria était intriguée. Il lui était impossible de décoller son regard. Elle voulait comprendre comment les gens pouvais en venir à cet état.
 
C’est de la moisissure sur sa peau ?  
 
Elle ne pouvait pas vraiment confirmer. Cet homme bougeait de table en table et quand il semblait regarder en sa direction, elle détournait le regard, ne lui laissant pas le temps de bien analyser. En espérant, qu’il ne remarque pas sa tendance à dévisager les autres.