Je fais rien que des bêtises, des bêtises quand t'es pas là [ PV Eru]

Visite maladroite

Erubel adorait son atelier. Idéalement situé au milieu de la forêt, proche de ceux qu’ils considérait sa famille; c’était aussi un incroyable abri contre les intempéries, et il pouvait y garder tous ses objets au sec ! Ses confections seraient dans un bien piteux état s’il devait les laisser dehors, la nature s’empresserait de se les approprier !

Mais ce qu’il aimait le plus dans son atelier, c’était le calme qui y régnait. Pour les humains, sourds et muets face à la flore, la forêt entière était calme, mais pour Eru, qui pouvait entendre et comprendre toutes les conversations —et qui les adorait, ne vous y trompez pas—, cela s’avérait parfois trop.

C’était dans ces moments-là qu’il aimait se réfugier ‘chez lui’, prendre une grosse boule de coton et l’enlacer contre son torse, pour se laisser assoupir dans un coin chaud, dans un repos mérité.

Et c’était précisément ce qu’il faisait, en ce lent et fainéant début d’après-midi, pile comme il les aimait. Ces derniers jours avaient été bien agités, alors qu’il avait une nouvelle commande à remplir, une vague de chaleur à gérer auprès de ses sœurs, et tout un plat de nouilles à digérer. Alors il profitait du moment de répit.

Ce dernier, hélas, fut doucement interrompu par une petite voix, et de tout aussi doux pas sur le plancher, résonnant tous deux dans l’espace. Les plantes environnantes, pourtant habituellement discrètes, s’agitaient quelque peu. Un inconnu ! Un inconnu ! Fallait-il s’en méfier ? L’accueillir ? Elles avaient besoin d’interprète !

Erubel ne réagit pas, profondément endormi qu’il était.

Tant pis, pensèrent les plantes, elles s’en étaient sorties pendant des millénaires sans l’aide de communication verbale ! Elles pouvaient s’en occuper.

C’était... Un humain. Oui. Sans aucun doute, un humain. Ouuuu une humaine ? Quelle était la différence déjà ? C’était un petit humain. Etait-ce parce qu’il était jeune ? Les humains apparaissaient de toute taille, c’était si confus !

L’agitation augmenta, toujours sans alerter le joyeux luron endormi sur son nuage.

Ce ne fut que lorsque le fracas d’un vase brisé retentit qu’Eru bondit en position assise. Qu’est-ce que...

▬ Ah— !

Un cri métaphorique retentait dans sa tête, alors qu’il s’élançait à la rescousse de la pauvre plante à terre. Au premier coup d’oeil, Eru put constater qu’elle ne s’était coupé nul part, ce qui était l’essentiel, et soupira de soulagement.


Mais avant cela, il devait saluer cette jeune enfant qui le regardait avec des yeux pleins de culpabilité. Il lui adressa un grand sourire.

▬ Ne t’en fais pas ! Elle va bien, regarde ! Agenouillé devant la scène, le jeune arbre de jade entre les mains, il le tendit vers la jeune fille. ▬ Tu vois ? Aucune blessure !

Il se releva souplement, plante toujours en main, et se dirigea vers l’une des innombrables étagères pour récupérer un pot neuf.

▬ Tu veux m’aider à le remettre en terre ? Proposa-t-il alors, toujours souriant.

Visite maladroite

Que cette petite était adorable ! Tant d’enthousiasme pour l’aider, il ne voyait pas ça souvent. Il la laissa ramener le terreau après lui avoir indiqué où il se trouvait et s’affaira à trouver un pot adéquat. L’arbuste continuait de râler à qui voulait l’entendre —lui, en l’occurrence—, et un débat s’était visiblement lancé sur la possible prohibition des visiteurs durant l’horaire de la sieste.


Il fit la moue, et tous se turent un instant. Hop ! Il avait trouvé le pot qu’il fallait; un bien lourd qu’il avait fabriqué lui-même en terre cuite, qui ne risquerait pas de tomber aussi facilement. Et en plus il était plus grand !

Il se tourna fièrement vers la petite humaine qui le rejoignait enfin, avant de sursauter.

▬ Eh– t’as ramené tout le sac ?! Mais c’est si lourd ! A la fois inquiet et impressionné, il s’empressa de l’aider sur les derniers mètres, même si la majorité de l’effort avait été dépensé. Elle était sacrément forte pour une si petite humaine ! Il souffla, retrouva son sourire et lui fit signe d’approcher.

▬ Maintenant, regarde ces racines, elles sont toutes emmêlées ! Il illustra son propos; les racines s’étaient entassées au fond du pot jusqu’à en prendre la forme, Il faut les démêler doucement, comme ça.

Il rapprocha un banc et l’aida à grimper pour qu’elle ait une meilleure vue de son plan de travail. Délicatement, il massait l’amas de terre accroché aux racines pour éviter de les casser, comme on le ferait avec un gros nœud dans les cheveux. Son patient contesterait qu’il n’avait absolument pas besoin d’aide, et qu’il savait parfaitement s’entretenir, s’il venait à comprendre ses paroles.

▬ C’est qu’il avait bien besoin qu’on lui change son pot au final ! Rit-il, le ton léger. Et évidemment, la plante avait été trop orgueilleuse pour le lui signaler. La petite humaine lui avait rendu service, finalement !

Il montra fièrement les racines libérées de leur prison de terre, Voiiilà ! C’est tout propre ! Maintenant je vais le tenir peu au-dessus du pot comme ça, et tu vas le remplir par petites poignées jusqu’à ce que j’te dise d’arrêter, d’accord ?

C’était l’étape qui lui posait parfois problème lorsqu’il devait le faire seul, surtout pour ses plus grands adelphes, il était bien content d’avoir de l’aide pour une fois !

Visite maladroite

▬ Super ! C’est parfait. Rajoutes-en encore un peu eeeeet voilà !

L’arbuste dans ses mains pouvait sentir les bons minéraux du bout de ses racines et commençait à s’impatienter, lui arrachant un rire.

▬ Hm ? Oh ! Oui, c’est ici qu’on s’abrite la plupart du temps. C’est parfait pour mes sœurs qui sont un peu plus sensibles au vent et au soleil. Et celles qui aiment jouer les délicates~ Il lança la dernière remarque à celui qu’il installait maintenant confortablement dans son nouveau lit. Il rayonna juste un peu plus fort à la suite. ▬ Oh, merci !! Je leur passerai le message !

Ce qu’il ne manqua pas de faire sur le champ, pour une réception mitigée, mais malgré tout chaleureuse.


Si certaines voix de la raison lui firent remarquer que la petite fille ne l’incluait probablement pas dans le compliment, il fit la sourde oreille.

▬ Bon. Il nous reste plus qu’à arroser généreusement, et il pourra prendre le temps de se reposer et de s’habituer à son nouveau lit ! Il tendit le bras et récupéra un arrosoir pour nourrir la plante, en continuant de marmonner... Nourrir... Nourrir ?

Oh ! Oh non !!!

▬ Aaaaaah ! S’écria-t-il soudain, paniqué. J’ai complètement oublié ! Tu as faim ? Les humains ont besoin de manger souvent, non ? Je crois que j’ai quelque chose... Uhm... Des nouilles ? Tu en veux ?

Certes, la petite semblait aller bien, mais il avait vu les quantités de nourriture que les humains pouvaient avaler. Et vu la force dont elle avait fait preuve pour déplacer le sac plus tôt, elle devait en avoir besoin ! Voir plus !! Aah, et lui qui ne lui avait même pas proposé de l’eau, il faisait un hôte exécrable !