A votre service — feat Sakhmet

Sakhmet fait ceci, Sakhmet fait cela… Elle n’en pouvait plus ! Elle était tranquille, dans le petit restaurant pour lequel elle travaillait et le patron osait lui demander de préparer des boites pour les commandes. Non mais. La grande reine d’Égypte n’allait tout de même pas user ses petits doigts pour une tâche que les cuisiner pouvaient effectuer à mesure. Cependant, son patron l’avait menacée de la virer si elle continuait de se plaindre ainsi. C’était suffisant pour Sakhmet à se mettre à la tâche, car elle préférait de lui rester au même endroit que de devoir recommencer du début. C’est-à-dire apprendre de nouveau noms de ses futurs collègues, des formations à n’en plus finir, etcetera, etcetera. Bof, comme on dit, ce n’était pas très attrayant.

Elle venait tout juste de commencer qu’elle fut sauvée par une nouvelle commande. Cela lui donnait une raison de sortir et de prendre son temps pour le retour. Et puis, d’ici quelques heures le soir allait tomber et cela signifiait qu’elle finirait son quart de travail. Du à sa malédiction, il lui était impossible de travailler une fois que la Lune était dans le ciel, car sous son apparence de momie, elle pouvait perdre le contrôle et se serait une mauvaise image pour l’entreprise. Donc, si elle si prenait bien, ce serait sa dernière commande.

L’égyptienne prit le volant et se dirigea vers l’adresse mentionné. Elle ne se rappelait pas avoir déjà été là, était-ce un nouveau client ? Sans doute et cela voulait dire que ce serait plus de pourboire pour elle, car la personne ne se doutait certainement pas de la piètre qualité de service qu’offrait Sakhmet.

Rendu sur les lieux, elle s’avança jusqu’à la porte vitré. Sakhmet ne se priva pas de zyeuter l’intérieur qui semblait être en plein aménagement. Ce local l’intriguait, car elle y voyait quelques dessins et une chaise plus loin, semblable aux tatoueurs. Elle toqua finalement à la porte pour signifier sa présence. Lorsque le client ouvrit, elle tendit le sac qui contenait la commande.

« Tiens, c’est à toi ça. » et sans demander la permission, elle entra dans le bâtiment. Sakhmet, en tant que Reine, ne demandait jamais la permission. Si elle voulait faire quelque chose, elle le faisait.

Elle se dirigea jusqu’au centre de la pièce et tourna lentement sur elle-même pour observer meubles, plantes et dessins autour d’elle. Il ne lui fallut pas de temps pour comprendre dans quelle genre d’endroit elle se trouvait.

« Un tattoo shop ?» Questionna tout de même Sakhmet. Elle posa son regard sur le client. « C’est toi... qui fait tout cela ? » Elle analysa longuement l’homme en face d’elle. Un corps musclé, des cheveux et des yeux clairs… mais ce qui retint l’attention de l’ancienne Pharaon, était cette cicatrice qui barrait le visage de l’inconnu. C’était donc une âme brisée. Un sourire s’étira sur les lèvres de la femme : il ne fallait pas l’échapper celui-là, il pourrait s’avérer utile. Du moins, c’est ce qu’elle déciderait d’ici la fin de leur rencontre.

Tandis que la jeune femme était au centre de la pièce à parcourir du regard tous les efforts amenés par son client à enjoliver les lieux, celui-ci commençait à raconter sa vie. Elle détestait écouter les autres, mais elle devait se retenir de soupirer ou de démontrer ne ce serait-ce qu’un quelconque signe d’ennui. Après tout, certaines informations s’avéreraient utiles… mais c’était si épuisant ! À ses paroles, l’homme semblait être quelqu’un qui n’avait pas peur de travailler pour ce qu’il aimait. N’importe qui dans cette ville aurait été voir Goosebump à la mairie et aurait demandé, si ce n’est pas ordonné, de créer un local de toute pièce avec tous les outils nécessaires pour leurs besoins. En plus de trois millénaires, Sakhmet en avait vu du monde, de tous les genres. Peu d’entre eux était travailleur.

Lorsque la Pharaon tourna le regard vers son client, elle fut surprise de voir cet éclat dans son regard. Un sentiment qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps et qui lui procurait autrefois un plaisir malsain. Le sentiment d’espoir. Ces pauvres êtres mortels, du temps qu’elle ne pouvait plus se rappeler, plaçait tous ses espoirs en elle, ce qui lui conférait un pouvoir incommensurable. Elle avait le don de choisir la destiné de son peuple, avec un simple oui, ou un cruel non. Dans les deux cas, c’était grisant. Lorsqu’elle refusait, le désespoir qu’elle pouvait lire dans le regard de ses sujets l’amusait, et quand elle acceptait, leur joie devenait la preuve de la « bonté » qu’elle s’imaginait avoir.

« C’est bien. » articula-t-elle lentement, comme si c’était le plus beau compliment du monde. Dans son jeune temps, avec la position qu’elle avait, c’était bien le cas. Certains s’évanouissaient devant de telles paroles. Mais Weirdtown n’était pas son Égypte antique. Elle devait élaborer. « Voir que tu as fait cela seul est impressionnant. »

Elle le regarda marcher lorsque celui-ci alla porter son repas plus loin. Sa démarche fragile créait beaucoup de questions dans l’esprit de Sakhmet qui aurait bien aimé comprendre pourquoi il se retrouvait aussi mutilé. Avait-il fait la guerre ? S’était-il battu avec un crocodile ? Elle ne put poursuivre ses réflexions puisque celui-ci arriva avec un billet.

« Merci » dit simplement la livreuse, en prenant l’argent, effleurant du bout des doigts la main de l’homme. Il ne devait certainement pas se douter de son tempérament qui lui valait beaucoup de mauvaises critiques, pour lui proposer un pourboire. « C’est… mon travail, je suppose ».

Elle rangea le billet dans le sac banane qu'elle arbore en bandoulière sur son épaule et prend place sur un siège près d’elle, celui que l’on prend lorsque l’on se fait tatouer.

« c’est un rêve que tu as depuis longtemps, faire des tattoo ? » Elle se massa la nuque, repensant à celui qu’elle avait, cette marque indélébile, preuve de son esclavage. « Tu ne veux pas simplement profiter de la vie comme la plupart des gens de Weirdtown ? »

La Pharaon avait un sourire en coin, un peu hautain lorsqu’elle vit la réaction de son client. Oh qu’elle pairait cher pour revenir à cette époque où les gens étaient pendus à ses lèvres et ne vivaient que pour avoir l’approbation de leur Reine. La petite excitation qu’elle voyait dans le regard bicolore du jeune homme était un peu enivrante, et Sakhmet se senti comme une alcoolique qui se contentait de sentir un bon vin, sans le boire, pour ne pas abuser. C’était au moins cela.

« Oui, il me semble avoir déjà entendu cela, pour le tatouage au Japon, c’est tout de même intense. Et bien, je suis heureuse que tu puisses exercer ta passion. Tu me semble être quelqu’un de vaillant, de travaillant et qui va au bout de ses rêves ! C’est rare, surtout ici. » C’était étrangement de plus en plus facile de complimenter le tatoueur, mais bien évidement, Sakhmet n’en pensait pas un mot. Elle était seulement intéressé à découvrir les qualités et les défauts, pour évaluer comment elle pourrait éventuellement les utiliser à sa faveur. « Tu te souviens de ton accident ? Que s’est-il passé ? » Elle savait que les gens de Weirdtown avaient beaucoup de problème de mémoire, elle-même en souffrait, mais elle prenait quand même la chance de poser la question, quitte à montrer de la fausse empathie s’il ne parvenait pas à répondre.

Lorsque l’homme lui offrit une cigarette, Sakhmet en prit une, toujours délicatement et avec cette grâce naturelle. «  C’est gentil, j’en ai bien besoin ce soir. » Elle rit doucement avant de porter la cigarette à ses lèvres et de l’allumer. Oui, son travail était épuisant, ce n’était pas de tout repos de trouver des manières plus créatives les unes que les autres pour ne pas faire ses livraisons, mais tout de même être payés.

«  Enchanté, moi c’est Sakhmet. » dit-elle avec un sourire qui se voulait amicale. «  Tu as raison, ce n’est pas facile tous les jours la livraison. Surtout que mon patron fait tout pour me rendre la tâche difficile. » Ce n’était absolument pas vrai, mais elle voulait se faire plaindre un peu. «  Il me donne toujours les clients les plus compliqués. Ceux qui ne sont jamais content. » c’est-à-dire tout le monde selon elle. «  Et juste avant de partir pour faire ta livraison, on s’est disputé lui et moi… tu vois… Et je n’ai pas du tout envie d’y retourner. » Elle soupire avant de prendre une bonne dose de tabac, un air un peu moins joyeux sur le visage. « Excuses-moi, je t’embête avec mes histoires. » Elle plonge son regard sombre dans le regard clair de Kyo, analysant sa réaction.