De pétales colorés et d'étrangeté

Encore un jour à commercer dans les allées du marché du quartier asiatique.

D’ordinaire, à cette heure-ci, iel cueillait différents types d’herbes et de plantes pour ses potions, mais quand c’était jour de marché -jour qu’iel ne manquerait pour rien au monde- iel était bien installé, un peu à l’écart de la foule. Mais qu’importe, après tout, ceux qui venaient pour le trouver savaient fort bien où aller.

Installé-e à même le sol, son coffre de bois juste à côté d’ellui, iel semblait attendre patiemment que quelque chose ne se passe.

Quelques clients étaient déjà passés acheter leurs traditionnels potions de virilité et autres étrangetés, mais l’Apothicaire ne se formalisait jamais des demandes les plus incongrues, peu importe ce que c’était, tant qu’il y avait un paiement à la clé.

Iel était seul quand son prochain client arriva. Douleurs de ventre et gueule de bois, hein ? Iel se mit à fouiller dans son coffre, un sourire presque monstrueux par ses canines très présentes aux lèvres, jusqu’à en extraire une fiole au contenu jaune.

« Bien sûr mon bon monsieur, mais pour toutes potions il faut un paiement, et le premier paiement est toujours le même pour tout le monde : un souvenir heureux duquel je pourrais me repaître. »

Iel paraît tout à fait sérieux, attendant patiemment que son client ne lui raconte son souvenir le plus précieux, s’il en avait un. Car pas de souvenirs heureux, pas de potion.

L’apothicaire écoute son souvenir en fermant les yeux, visualisant bien chaque partie de sa soirée alcoolisée, la fête, les émerveillements que provoquaient celle-ci. Lorsqu’iel rouvrit les yeux, c’était pour tendre la fiole à son interlocuteur.

Puis celui-ci évoque une idée de collaboration. L’Apothicaire hausse un sourcil, avant de tirer sur son calumet et de rejeter sa fumée sur le côté. Iel n’avait jamais vraiment eu l’envie de faire une collaboration commerciale avec quiconque, déjà parce qu’iel n’avait jamais été vraiment convaincu-e par les arguments des autres vendeur-euse-s, mais aussi parce que travailler seul-e lui convenait très bien.

« Il faudra me convaincre pour que je travaille avec toi. Je ne sais même pas ce que tu es, mais tu n’es certainement pas humain. »

Iel n’a pas le temps d’en ajouter davantage qu’une quinte de toux la-e saisit. Iel tousse et tousse jusque’à l’étouffement, quelque chose est visiblement coincé dans sa gorge. On croirait qu’iel va vomir, mais à la place il s’échappe de sa bouche une flopée de violettes.

L’Apothicaire s’empresse presque immédiatement de chercher dans son coffre une fiole qu’iel avale tout rond, balayant d’un revers de main les pauvres violettes.