Nouveau but | feat Alma Addams

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Le texte en gras est du langage alien.
Le texte en italique est de l'anglais.]

-Tu es prête ?

La sonnerie annonçant la fin des cours a retenti depuis quelques minutes à peine. Alma est déjà présente au portail – est-ce que les classes supérieures finissent plus tôt, ou est-elle juste particulièrement impatiente ?

Dans un cas comme dans l’autre, Lily Noire est contente de la voir répondre à l’appel. Elle aurait pu, je ne sais pas, être prise d’un instant de lucidité et se convaincre que tout ceci est finalement une  très mauvaise idée…. Mais non ! Heureusement pour l’hybride, elle a mis la patte sur une humaine encore plus inconsciente qu’elle.

Après avoir ainsi constaté qu’elle ne s’était guère dégonflée, Lily Noire prend les devants.

-Nous devons traverser la place du village, et aller entre les quartiers asiatiques et caucasiens. Il y a un peu de marche à faire, mais on sera encore en ville.

Ce que Lily Noire ne dit pas, c’est qu’il est possible de prendre le métro pour se rapprocher au plus près de la lisière de la Forêt, plutôt que de traverser la ville du sud au nord. Mais, Lily Noire et le métro, hmm…. Disons que ça ne fait pas très bon ménage. Aussi préfère-t-elle s’infliger cette marche à chaque début et fin de journée plutôt que d’utiliser ces machines du diable.

Pendant le trajet, elle n’est pas vraiment bavarde. En temps normal, elle passerait par des ruelles étriquées ou les toits de certaines maisons pour se déplacer, mais en compagnie d’une humaine, elle doit emprunter les routes classiques. Son attention est donc pleinement focalisée sur les passants : elle doit faire gaffe à ne pas se faire bousculer, ou pire, que quelqu’un marche sur l’une de ses deux queues. Si des humains promènent leur chien, elle va préférer décrire un large arc de cercle pour les éviter, et lorsqu’il y a des véhicules, Lily Noire est toujours tendue. Pour elle, marcher en ville est bien plus dangereux que la Forêt en elle-même.

A ce propos, plus elles se rapprochent de la lisière, et plus Lily Noire s’interroge. Fait-elle vraiment bien d’entraîner une humaine dans les bois ? Certes, ce ne serait pas la première fois que l’un d’entre eux s’aventure dans la Forêt, d’autant que les scouts sont même assez présents. Mais ces derniers sont formés aux règles et aux dangers des lieux, et sont plus ou moins acceptés par les locaux – or, Maodan n’a de cesse de répéter que la Forêt n’est pas vraiment un endroit adapté pour les humains.

Fleur vampire, plante piège à ours, saule bailleur… Rien qu’en s’arrêtant à la flore, beaucoup de dangers mortels se cachent parmi les arbres. Pour autant, à ce jour, aucune perte n’a été recensée, que ce soit parmi les scouts ou les habitants de Weirdtown… Donc, c’est qu’il n’y a pas tant de choses à craindre, pas vrai ? Si la Forêt était réellement aussi hostile aux humains, ils ne seraient pas aussi nombreux à en ressortir indemne… N’est-ce pas ?

Lily Noire n’est pas vraiment arrivée au bout de sa réflexion lorsque la lisière est en vue. Le ciel s’est embrasé, décrivant un dégradé tirant du orange vers le violet. Le soleil, quant à lui, commence doucement sa chute derrière l’horizon. D’après les estimations de la chatte, il fera nuit d’ici à peine plus d’une heure – à moins d’une anomalie dont Weirdtown a le secret.

Elle s’immobilise devant les premiers arbres, et fait volte-face pour toiser Alma. Le moment est finalement arrivé. Elle place un doigt devant sa bouche, comme si ses paroles allaient être confidentielles.

-Maintenant, il faut que tu suives chacune de mes consignes. Tant que tu restes près de moi et que tu ne fais rien de bizarre, ça devrait bien se passer.

Lily Noire jette un regard vers les bois derrière elle.

-Depuis que Weirdtown a rajeuni, les humains sont devenus très irrespectueux envers la Forêt. On en voit de plus en plus traîner dans les parages, provoquer des créatures, ou abandonner leurs affaires...

Elle fixe de nouveau Alma.

-Ça s’améliore un peu, dernièrement, mais la Forêt n’oublie pas. Si tu t’éloignes de moi, il est possible qu’on te prenne pour l’un d’eux. En cas de problème, il y a trois personnes sur qui tu peux compter.

Elle lève ses doigts un par un.

-D’abord, Maodan. C’est mon maître, et le maître de toute la Forêt. Il n’aime pas tant les humains, mais si tu es gentille et que tu lui parles de moi, ça se passera bien. Ensuite, les scouts. Si tu trouves leur campement, ils pourront t’aider et te raccompagner. Et enfin…

La créature se désigne elle-même de la patte.

-Lily Noire. Si tu te perds, évite de bouger, j’aurai plus de mal à te retrouver. Tu peux aussi demander aux plantes vampires si jamais elles...

Sa mine se froisse.

-… Hmm, non, oublie. Elles voudront te manger. Et tu ne parles pas aux plantes, pas vrai ? Bon, alors reste près de moi, et ça ira.

Elle pose ses pattes sur ses hanches, et toise Alma avec une pointe de défi.

-C’est clair pour toi ? Tu… Ne comptes pas te dégonfler, pas vrai ?

C y a l a n a

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Le texte en gras est du langage alien.
Le texte en italique est de l'anglais.]

A la dernière question de l’humaine, un sourire se dessine sur les lèvres de Lily Noire. Un rictus de félin qui lui confère un air presque sournois.

-Alma veut vite passer à l’action, pas vrai ?

A-t-elle au moins fait gaffe à ses consignes ? Prend-elle cette histoire un minimum au sérieux ? Bien qu’elle en doute, Lily Noire n’a pas la maturité nécessaire pour remettre en question son attitude. Elle comprend son excitation, après tout : la Forêt, c’est grave cool ! Déjà, ce n’est pas aussi noir de monde que Weirdtown ; l’air y est plus pur, les odeurs sont bien plus agréables ; les plantes peuvent pousser à foison et surtout ; aucunement besoin de payer pour se nourrir ! Si vous attrapez une proie, elle est à vous ! C’est tout ! Ici, on n’embête pas Lily Noire avec des histoires de « Ça coûtera 5 ani » « Non, vous ne pouvez pas vous servir sur les étalages » « Rendez ce poisson s’il vous plaît » « Je vous en supplie rentrez vos griffes VOUS ME FAITES MAL »… Bref ! La belle vie, quoi.

Ainsi, Lily Noire ne peut que hausser les épaules face à son ton pressant. Elle se retourne, et avant d’avancer, lui glisse une dernière œillade.

-Très bien. Allons-y !

Elle se met en marche, et foule la Forêt de ses premiers pas. Par quoi va-t-elle commencer ? Sa cabane ? Non, il en est hors de question. Peu sont ceux à avoir pu la visiter, et Lily Noire, comme toute bonne habitante qui se respecte, n’aime pas trop qu’on pénètre dans son territoire. C’est son espace personnel ! Le camp des scouts ? Meh. Est-ce que cette humaine tient autant à aller dans la Forêt si c’est juste pour voir d’autres humains ? Ce ne serait pas très intéressant, on est d’accord. Le chalet serait déjà plus palpitant, mais… Avec les rumeurs qui entourent ses habitants, mieux vaut éviter.

Heureusement, elle y a réfléchi, cet après-midi… Elle sait où l’emmener ! Un endroit à la fois inédit et impressionnant, accueillant mais en même temps plein de surprise ! Les queues de Lily Noire balaient de gauche à droite en signe de son enthousiasme. A sa démarche, on sent qu’elle a hâte...

D’une façon globale, Lily Noire paraît bien moins tendue maintenant qu’elles sont dans la Forêt. Ses pas sont plus légers, mais pas que ; elle jette moins de coup d’œil aux environs, et est plus ouverte à la conversation.

D’ailleurs, elle ne tarde pas à la reprendre. Tout à l’heure, Alma a réagi à une de ses phrases, mais Lily Noire ne lui a toujours pas fourni d’explications.

-Selon toi, nous sommes en quelle année, Alma ?

Pensive, elle appose une patte sur son menton, tout en levant les yeux.

-Quand Lily Noire est arrivée à Weirdtown, on lui a dit que nous étions en 2010. Et pendant un temps, ça semblait logique, mais…

Ses mains viennent agripper les lanières de son sac.

-Les émissions qui passaient à la télé, les appareils électroniques, les livres, la nourriture… Même les maisons ! Tout a changé. C’est devenu plus… Nul. D’après les professeurs, maintenant, nous sommes quelque part dans les années 1980…

Elle se tourne, de sorte à pouvoir toiser Alma tout en avançant.

-Il y a des gens à l’école qui disent venir de 2010. D’autres de 1980. D’autres… D’encore bien plus longtemps ! Il y a même un collégien qui dit qu’il a bientôt cent ans…

Elle penche la tête, curieuse.

-Tu sais de quand tu viens, toi ?

Elle l’a menée jusqu’à la Forêt, il est donc temps pour elle de faire connaissance. Même si elles n’ont pas encore atteint le point culminant de leur voyage… Oh ! Voilà qu’elles en approchent.

En le reconnaissant, Lily Noire presse le pas. Elle se dépêche d’arriver devant lui, et une fois à ses pieds, elle fait volte-face. Grandiloquente, elle ouvre en grand ses deux bras.

-Tadaaa ! Lily Noire te présente…

Elle désigne le tronc derrière elle.

-… Monsieur le chêne !

C’est… Un arbre. Alors oui, c’est un très grand arbre – environ dix mètres de circonférence pour une… Certaine hauteur, mais… Du reste…

Pas de couleurs bariolées, aucun mouvement, aucun signe de vie, pas de fruit, pas de feuille à la forme rigolote, aucune présence d’œil, de bouche ou de silhouette parmi les écorces, des grosses racines assez banales et quelques trous par-ci par-là, mais… Bah voila, c’est un arbre, quoi ! Ce n’est en tout cas ni une créature, ni une plante magique.

Pourtant, Lily Noire paraît aux anges, à sa simple vue. Tout en le contemplant, elle se dandine un peu sur place.

-Monsieur le chêne est très gentil, et accueillant ! C’est un chêne pédonculé, et il est exceptionnel !

Exceptionnel ? Donc, il a bien des facultés inédites !

-Normalement, les chênes pédonculés mesurent jusqu’à 35 mètres, mais… Celui-ci en fait presque 50 ! C’est genre… Suuuuper grand ! Il est aussi très large, à peu près le double de la taille moyenne ! Comme tous les grands chênes, il est super vieux, aussi ! Peut-être que lui, il a MILLE ANS ! Mais il ne compte pas vraiment les années, donc il n’a pas su me dire… Par contre, il est super sympa ! S’il pleut ou que tu as besoin d’un abri, on peut se réfugier sous ses branches ou dans son tronc ! Si tu trouves un trou dans lequel tu rentres, par contre. Il n’aime pas trop qu’on le creuse.

Des étoiles dans les yeux, elle se tourne vers Alma.

-Tu en dis quoi ? C’est chouette, non ?!

Sans attendre de réponse, Lily Noire se retourne. Puis, elle s’accroupit, et après avoir remué un instant son arrière train… Elle bondit sur le tronc, qu’elle escalade, jusqu’à atteindre la première branche. De là, elle interpelle l’humaine.

-On l’escalade ?

C y a l a n a

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Le texte en gras est du langage alien.
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Bizarre. Alma n’est pas aussi enthousiaste qu’elle, face à monsieur le chêne. Pourtant, existe-t-il seulement quelque part sur terre un arbre aussi grand et imposant ? Lily Noire en doute ! Et celui-ci est si gentil, si avenant ! Il autorise les taupes à se réfugier sous ses racines, laisse les oiseaux construire leurs nids dans ses branches, et prête son ombre à quiconque le nécessite ! Comment ne pas être en admiration devant une telle âme ?

Heureusement, la perspective d’une grimpette semble déjà la motiver un peu plus. Lily Noire n’est pas très renseignée quant aux capacités d’escalade des humains – elle sait juste qu’ils n’ont pas de griffe, et que ça, ça craint. Pour autant, Alma n’appréhende en rien l’ascension, et après avoir réajusté son sac, elle s’agrippe à une branche pour ensuite se hisser dessus. Voilà qu’elle la défie de monter tout en haut ! Stupéfaite, Lily Noire avise le sommet.

-Jusqu’à la cime ? Tu es sûre ?

Les chats retombent sur leurs pattes, et Lily Noire a plutôt confiance en son équilibre. De ce fait, les hauteurs ne l’inquiètent pas vraiment – mais escalader aussi haut par elle-même, elle ne s’y est jamais essayée ! Néanmoins, la perspective (et un peu l’ego) la pousse à accepter le challenge. Ses pupilles se dilatent et ses queues remuent de gauche à droite, en signe de défi.

-Très bien. Tu vas regretter d’avoir voulu affronter la grande Lily Noire !

Toute griffe dehors, elle vient se plaquer contre le tronc, et les plante dans l’écorce. Pour monter, elle n’a pas besoin de passer de branches en branches, grimper le long de l’arbre suffit. En temps normal, elle serait suffisamment rapide et endurante pour effectuer l’ascension d’une traite – mais elle sort de cours et elle a encore son sac sur le dos. Ce dernier la ralentit, en plus de la fatiguer plus vite. Elle est donc obligée de s’arrêter quelques instants sur une branche, de temps à autre. Cela lui permet de reprendre son souffle, de rehausser les lanières de son sac, et de s’assurer qu’il ne s’est pas ouvert accidentellement. Elle serait bien embêtée, si ses livres chutaient tout en bas !

A ce propos, un regard lui permet d’aviser la hauteur qui la sépare du sol. Lily Noire a un frisson en réalisant la vitesse avec laquelle elles s’en sont éloignées. Un mélange de peur… Et d’excitation ! Est-ce sa nature résolument terrestre de plante qui rentre en conflit avec l’instinct arboricole des chats ?

Au delà de ça, Lily Noire est plutôt petite. Cinquante mètres, c’est déjà très impressionnant, pour un humain, alors imaginez pour une créature trois fois moins grande !

Mais l’hybride souhaite aller jusqu’au bout. Si monsieur le chêne a pris la peine de grandir aussi haut, il doit y avoir une raison ! Alors, pas le temps d’être impressionnée. Hop hop hop, on grimpe !

-Tu t’en sors, Alma ?

C’est que son ascension à elle demande un peu plus d’effort. Elle ne peut pas juste foncer en ligne droite ; elle doit trouver quelle branche est capable de supporter son poids, si elle est à sa portée, et faire en sorte de l’atteindre sans tomber. Se déplacer est bien plus facile pour Lily Noire ! Elle tient sur des branches plus fines, et elle peut sauter plus aisément. Mais ce n’est pas ça qui semble arrêter Alma : l’humaine grimpe avec une détermination certaine.

C’est ainsi qu’elles finissent toutes les deux par émerger des feuillages. Le chêne est si grand qu’il surplombe toute la Forêt ; elles se retrouvent ainsi baignées par le lumière du soleil décroissant, avec une vue imprenable sur les cimes. C’est impressionnant de voir tous ces arbres de haut, ainsi qu’une vision aussi dégagée du ciel et des nuages qui le parcourent. Dans le lointain, un début de brouillard accompagne la nuit qui peu à peu cherche à étendre son domaine.

Fascinée, Lily Noire scrute les environs avec des étincelles dans les yeux. Monsieur le chêne avait raison, le panorama est sublime, d'ici haut ! Pendant un instant, elle cherche à repérer son arbre à chat, mais en vain. Tout est trop vaste pour parvenir à le retrouver.

Après s’être positionnée sur une branche, elle désigne l’ensemble de la Forêt, via sa patte, à sa visiteuse.

-Regarde, Alma. Toute cette immensité baignée de lumière est notre roy-

Crac.

Lily Noire s’interrompt dans sa réplique, oreilles redressées.

Comment ça, « crac » ?

CRAC !

-HIIIIIII !

Tiens ? Notre jeune chatte aurait-elle sous-estimé la résistance de son support ? Aurait-elle dû s’abstenir de prendre double ration de poisson à la cantine ? Ou peut-être aurait-elle simplement dû faire preuve de plus de prudence… Peu importe ! Puisque la branche sur laquelle elle se tient cède, et entraîne, dans sa débâcle, « la grande Lily Noire ».

Mais n’ayez crainte ! Le mindscape attendra. L’hybride a tout juste le temps d’éprouver cette désagréable sensation de chute que d’un coup, elle s’estompe. Un haut-le-cœur lui prend à la gorge lorsqu’elle se sent subitement retenue au niveau des pattes antérieures : voila que son sac vient de se coincer entre deux branches, et retient Lily Noire par les aisselles.

Quelle ironie ! Si elle n’avait pas eu ce sac, peut-être que la précédente branche n’aurait pas cédé – mais sans ce sac, sa chute se serait prolongée de quelques bons mètres.

La créature se retrouve à pendouiller dans le vide. Par automatisme, elle rabat ses pattes avant autour des lanières qui la maintiennent en l’air, et pédale dans le vide avec les inférieures. Aucun moyen pour elle d’attraper une branche à portée, ou de se hisser sur celles qui retiennent son sac.

Absolument tétanisée, elle fait de son mieux pour ignorer l’absence de sol sous ses pattes, ou même la distance qui la sépare de celui-ci.

-HIIII ! A… ALMA ! VIENS M’AIDER !

Jusqu’à présent, elle a toujours porté son sac à dos ; mais là tout de suite, c’est lui, qui la retient.