[HRP :
Le texte en gras est du langage alien.
Le texte en italique est de l'anglais.]
-Maodan…. Gretel…. !
Lorsqu’elle rouvre les yeux, une multitude de sentiments la traverse. Tout d’abord, une tristesse et un désespoir profond. Ensuite, un sentiment de mal être qui lui tord l’estomac ; comme si elle se faisait transpercer de part en part.
Enfin, une profonde confusion.
Elle a la sensation de s’être réveillée d’un affreux cauchemar. Elle en éprouve encore la terreur, l’angoisse, mais impossible de s'en rappeler. A chaque seconde qu’elle passe les yeux ouverts, elle oublie les raisons de son anxiété. Alors, à mesure que son souvenir s’évanouit, elle calme sa respiration, et récupère ses esprits.
Elle prend un instant pour se frotter les yeux, encore légèrement humidifiés. Puis elle se relève, et observe son environnement…
-… !
Elle n’est ni dans la Forêt, ni à Weirdtown.
Elle regarde à sa gauche. A sa droite. Devant elle. Derrière elle. Sous ses pattes. Et au dessus de sa tête. Mais peu importe la direction : rien de ce qu’elle voit ne lui est familier.
Ou alors, si ?
C’est un sentiment étrange. Elle ne connaît pas cet endroit. Elle est certaine, à 100 %, de n’y avoir jamais mis les pattes.
Pourtant, malgré son sentiment de détresse, sa confusion, l’inconnu…. Malgré l’incompréhension que lui évoque ce décor et sa présence ici…
Elle se sent… Étrangement…
Bien.
L’air lui est agréable. Il fait frais. L’herbe carmin sur laquelle elle se tient est douce au toucher. Les roches luisent d’un éclat mystique, attisant ses instincts de chatte. Et la végétation…
Elle ne connaît pas toutes ses plantes, ni ses champignons. Ils ne ressemblent à rien qu’elle ait appris dans des encyclopédies ou dans la Forêt. Une aura d’inédit et d’exceptionnel auréole toute cette végétation qui l’encadre, et stimule à la fois ses instincts de végétale et de botaniste.
Elle détaille cette espèce d’amanite, au violet criant et à la taille démesurée. Il y a cet arbre avec un tronc caillouteux, et des feuilles aiguisées comme des lames, qui la pousse à s’interroger sur sa constitution. Cette autre plante ressemble à un amas de racine qui aurait poussé vers le ciel plutôt que sous terre…
C’est à ce moment là que son regard s’arrête dessus. Le ciel. Il est.. Différent. De tout ce qu’elle a pu voir.
Une gigantesque planète est visible dans le lointain. Les anneaux de particules et de poussières qui l’encerclent lui font immédiatement penser à Saturne, mais les couleurs et motifs visibles à sa surface n’y ressemblent en rien. C’est une planète bleutée, morcelée par diverses plaques et reliefs…
On croirait presque voir une deuxième Terre, mais différente. Une terre qui aurait des anneaux, et, en guise de lune…
L’étrange endroit où se trouve Lily Noire.
-… Où… Où suis-je… ?
Cette situation est parfaitement insensée. Elle ne voit pas comment elle a pu atterrir ici, et a bien du mal à se situer dans l’espace.
Est-ce que… Weirdtown est encore en train de lui jouer des tours ?
-…
Prendre des notes. C’est la première action à laquelle elle pense. Il est facile de se laisser déborder par les imprévus et les aléas de la ville… Garder une trace écrite de ce qu’elle traverse est la meilleure chose à faire pour conserver des idées claires….
Alors, elle porte sa patte à son sac, et…
-… Qu’est-ce que… ?!
Il y a… Autre chose qui cloche ! Son environnement… N’est pas le seul élément à avoir changé. En plus de ça, ses vêtements ont rétréci… Sa tunique n’arrive plus qu’à son ventre, désormais, et… Une minute, depuis quand porte-t-elle une ceinture ? Elle a toujours son pendentif, mais… Son sac a disparu, et…
-… !
Non. Elle fait erreur. Le soucis… Ne vient pas de sa tenue.
A la va-vite, elle détaille son environnement. Elle cherche quelque chose grâce auquel elle pourrait contempler son reflet. Un miroir, une flaque d’eau, n’importe quoi…
Ça, là ! Cet énorme… Cristal ? Il reflète ce qui l’entoure. Lily Noire s’y précipite, de sorte à pouvoir observer sa propre image.
Lorsqu’elle s’immobilise devant, elle en est stupéfaite.
-…
Ce ne sont pas ses vêtements qui ont rétréci…
C’est elle qui a grandi.
Elle a toujours le même visage, les mêmes yeux, le même couvre-chef végétal en guise de crâne. Ses queues continuent de s’agiter de gauche à droite, ses griffes sont toujours en écorce, quoique plus longues… A l’instar de ses bras, de ses jambes, de son corps tout entier… Tout est plus grand. Mais pas sa tenue : elle reconnaît sa tunique, dont les manches ont été fixées à une extension afin de tenir sur toute la longueur de ses bras. La ceinture ne lui évoque rien, mais elle constate que des choses sont accrochées derrière… Une bouteille, contenant certainement de l’eau, un étui, qui semble contenir une serpe, et une sacoche….
… Non…
Ce n’est pas une sacoche…
… C’est son sac.
Le même sac qu’elle a toujours porté sur son dos, mais désormais… Accroché à sa hanche.
Pourquoi lui parait-il… Aussi petit ?
Ou plutôt…
… Comment est-elle devenue si grande ?
Elle détaille son corps, encore et encore. Elle a la sensation d’avoir pris plusieurs années.
Est-elle… Une adulte, désormais ?
-…
Devant cette succession de constats déconcertants, Lily Noire prend une décision.
Celle de se soucier de son apparence plus tard. Elle est toujours maîtresse de ses mouvements, et même si sa taille est déstabilisante, de toute façon, tout son environnement l’est. Alors, même si son physique est anormal, tant que ça ne l'handicape pas, elle fera avec.
L’endroit où elle se situe lui paraît bien plus préoccupant. Si elle se fie à ses maigres observations… Elle pourrait presque en venir à croire qu’elle n’est plus sur Terre.
Elle n’est même pas certaine d’être dans le bon système solaire.
Mais ce serait bien trop délirant. Elle veut bien que Weirdtown lui réserve son lot de surprise, mais… Si la ville leur permettait de voyager d’une galaxie à une autre, cela se saurait, non ?
Résolue à sortir d’ici, elle se met donc en marche. Elle garde un œil avisé sur les alentours, cherche le moindre signe de présence, de vie. Tout ce qu’elle voit, c’est de la caillasse, des plantes, des champignons, de couleurs et formes insolites… Son empathie végétale ne l’aide guère, cet endroit n’est pas bien bavard. Elle doute que les locaux soient habitués à recevoir de la visite…
Pourtant, dans ce silence étourdissant, elle entend une voix. Quelqu’un… L’appelle ? Elle ne connaît pas cette voix, et en même temps, elle est lui étrangement familière. Plus que ça, Lily Noire éprouve le besoin pressant de la rejoindre. C’est quelqu’un qu’elle connaît… Elle est en sûre, mais… Qui est-ce ?
A mesure qu’elle se rapproche de l’origine du son, la voix se fait plus forte, et Lily Noire presse le pas. Le décor est toujours le même, il n’est pas bien difficile de se frayer un chemin jusqu’à elle. Et finalement…
Elle parvient à la rejoindre.
-… ! C’est… !
Elle s’arrête face à une plante, différente de toutes les autres.
Elle doit être assez grande, puisqu’elle surplombe légèrement Lily Noire. Elle a la forme d’un gigantesque tube, à l’extrémité ouverte. Ses pétales bleutés sont inclinés, comme une invitation à jeter un œil à l’intérieur… La chatte y entraperçoit des pistils, mais c’est son apparence globale qui la cloue sur place.
Cette fois, elle sait ce qu'elle lui évoque.
-Tu ressembles à… Une fleur d’orobranche… !
Cette forme de tube, ces pétales qui constituent la paroi, cette stature légèrement inclinée… Lily Noire ne perçoit que deux différences : sa taille démesurée, et l’absence d’une tige pour former le reste de la plante. Cette fleur d’orobranche… Est une plante à elle toute seule, une entité individuelle.
Et… C’est elle, dont Lily Noire a entendu la voix.
Elle la dévisage donc, incrédule.
-Q... Qui es-tu ?
Son empathie végétale résonne encore en elle. Face à la réponse de la fleur, Lily Noire effectue un mouvement de recul, et écarquille les yeux.
-Comment… Viens-tu de m’appeler ?!…
La chatte secoue lentement la tête de gauche à droite. Non… C’est impossible. Elle a mal compris… Il y a forcément une erreur !
Lily Noire recule encore d’un pas, puis d’un autre. C’est le regard fuyant qu’elle détaille les alentours.
-Il… Il faut que je sorte d’ici !
Par un hasard qu’elle n’explique pas, ses yeux s’arrêtent exactement sur ce qu’elle recherche.
Une porte.
Une porte en bois blanc, avec un petit vitrail, et orné d’une guirlande végétale. Tout autour d’elle sont disposés des pots, contenant des fleurs bien plus familières et connues. Par contre, ce qui est étrange… C’est que la porte est là, posée au milieu de nul part. Aucun mur autour, elle ne semble mener à rien, mais… Elle est là.
Comment Lily Noire n’a-t-elle pas pu la remarquer plus tôt ? Et puis, une chose l’interpelle. Depuis qu’elle est ici, elle a un sentiment de familiarité, tout en étant certaine d’être là pour la toute première fois.
Avec cette porte, c’est tout l’inverse. Elle ne lui évoque rien, et pourtant…
Lily Noire sait qu’elle la connaît.
Elle l’a déjà vue. Quelque part. Impossible de se rappeler où, quand, comment, mais elle l’a vue.
Elle en est sûre.
Alors qu’elle effectue quelques pas pour s’en rapprocher, elle adresse un coup d’œil à la plante derrière elle. Un certain sentiment de tristesse et de culpabilité l’envahit. Pourquoi a-t-elle l’impression de l’abandonner ? De la laisser à son sort ? Mais Lily Noire ne peut pas non plus la déterrer, ou... La mettre en pot et la sortir d’ici. Ce serait la tuer. On ne change pas une plante d’environnement comme ça… !
Malgré cela, quand elle arrive devant la porte, et appose une patte sur sa poignée, elle prend un instant pour contempler une dernière fois la fleur d’orobranche. Elle prend une courte inspiration, et…
-… Je reviendrai te voir. Je te le promets.
Pourquoi cette promesse ? Elle n'en sait rien.
Finalement, elle enclenche la poignée.
Comme elle l’espérait, et en dépit de tout bon sens, la porte débouche bien sur quelque chose. C’est un couloir, blanc et vide. Un décor pas moins déconcertant, mais déjà plus ressemblant aux bizarreries de Weirdtown.
Alors, sans l’once d’une hésitation, Lily Noire franchit le seuil.
Elle la referme derrière elle. Pendant un instant, elle s’attend à ce qu’elle disparaisse, ou se verrouille, mais il n’en est rien. Étrangement, elle se sent rassurée à l’idée de pouvoir retourner là-bas…
Alors, elle prend le temps d’observer ce nouvel environnement. Elle pensait l’endroit vide, mais ce n’est pas exact. Il y a… Des portes. Des tas d’autres portes. Bien différentes de celle qu’elle a empruntée. Certaines sont toujours en bois, d’autres en pierres ou en matériel industriel. Des petites, des grandes, des moyennes. Des portes à ras-le-sol, d’autres anormalement hautes. Des portes avec vitre, sans, avec rideaux, une ou plusieurs poignées, voire pas de poignée du tout.
Par contre, elles ont un point commun : toutes sont closes.
Parmi toutes ces portes… Il y en a bien une qui doit mener à la Forêt, non ?
Lily Noire fait quelque pas, à la recherche d’un indicateur ou élément probant. Et si elle ne trouve rien allant en ce sens, elle fait une toute autre découverte qui, d’un coup, l’emplit d’un soulagement profond.
-… GRETEL !
Ces cheveux verts, ce bandeau caractéristique, ce visage juvénile et innocent… Aucun doute, c’est elle ! Dès qu’elle la remarque entre ce dédale de porte, Lily Noire se précipite vers elle, et l’étreint de toutes ses forces. Pourquoi éprouve-t-elle soudainement un tel débordement d’affection pour la scout ? Pourquoi n’est-elle pas surprise de la trouver ici ? Comment se fait-il qu’elle soit en mesure de la prendre dans ses bras, elle qui est normalement toute petite ?
Toutes ces questions, elle ne se les pose pas. La chatte éprouve seulement un sentiment d’apaisement infini en présence de la jeune fille… Même si bizarrement, elle lui paraît moins imposante, sa proximité est à la fois rassurante et réconfortante.
Lorsque Lily Noire finit par s’écarter, elle profite de sa taille nouvelle pour planter ses yeux dans les siens.
-Est-ce que tu vas bien ? Je… Je ne sais pas trop où on est, mais…
Elle laisse sa phrase en suspens, ne sachant pas vraiment par où commencer. A la fois, il y a beaucoup de choses à dire, et en même temps, elle ne voit pas trop à quoi ça servirait. Un peu par dépit, ses yeux détaillent les environs : c'est alors que Lily Noire pense à la suite logique.
-Nous… Nous devons retrouver Maodan !
Une fois encore, elle n’est pas certaine de savoir pourquoi ce besoin pressant. Peut-être est-ce simplement pour se rassurer elle-même ? Mais dans ce cas, qu’est-ce qui lui fait croire que Maodan est ici ? Lily Noire l’ignore, mais elle en est convaincue : elles doivent retrouver le gardien de la Forêt.