Traumatisé du chocolat? | Feat Donatello

"...et alors il y a eu cette lumière qui est descendit du ciel! J'ai même eu l'impression d'entendre un minuteur lorsque je me suis rapproché du quartier, mais impossible d'y aller! Comme s'il y avait une barrière invisible qui encerclait les lieux."

- Hunhun...je vois.

"C'était terrifiant! Pâques est censé....enfin...je....je pensais que Pâques était une fête joyeuse, je l'imaginais moins....enfin d'une manière différente. On dirait que ça amuse Goosebump avec ses idées bizarres de nous faire souffrir!"

- Ah bon? C'est ainsi que vous le voyez?

"Pourquoi? Pas vous?"

- Oh je n'ai pas vraiment d'avis sur la question mais chacun à sa manière de voir les choses, certains de mes patients, notamment les enfants étaient très heureux de cette fête grandeur nature. Même lorsque certains quartiers ont perdu, il n'y a pas eu d'interdiction de ne pas manger du chocolat, simplement que certains quartiers ne seraient pas quartiers, mais chacun peut donc partager, il y avait bien assez pour tout le monde.

"Mais tout de même manger un bâtiment! Et le lendemain tout était à nouveau normal! Comme si jamais rien n'avait été mangé! C'est....ça n'a aucun sens!"

- Cette ville n'a aucun sens monsieur X, vous ne devriez pas chercher plus loin ou vous y perdrez votre santé mentale.

"Mais je ne peux pas être le seul à me poser des questions sur cette ville, sur tout ça, sur ces Boss!"

- Je dois avouer que ces Boss sont intriguant. Certains sont plus faciles à comprendre que d'autres néanmoins. Et Goosebump comme vous le clamez si bien me semble pourtant la plus compréhensible.

"Quoi? Vous plaisantez!"

- Absolument pas, il y a une certaine logique et quand on est aussi ominiprésent qu'elle, forcément, on laisse entrevoir davantage de sa personne. Par exemple, le boss du quartier africain, Mchawi est bien plus difficile à appréhender vu que j'ai eu bien moins de patients qui ont eu le privilège de le croiser. Par contre celui que je ne comprend pas c'est El Coco.

"El Coco? C'est simple, il voit quelqu'un la nuit, il....enfin je crois qu'il pourchasse l'individu."

- Mais pourquoi? Pour quoi faire? Quel intérêt y a-t-il? On dirait davantage une bête animée d'instinct que les autres Boss. Enfin nous ne sommes pas là pour discuter de ça. Pour en revenir à notre sujet, je comprend votre détresse mais vous ne devriez pas vous mettre dans de tels états. Weirdtown est Weirdtown et il y aura toujours des choses inexplicables qui y arriveront, parfois il vaux mieux considérer cela comme normal afin de ne pas devenir fou.

"V....vous avez raison."

Une journée ordinaire dans le quotidien du psychologue. Son patient avait été marqué par la fête de Pâques et d'autres aussi l'avait été, il avait entendu du positif comme du négatif. Lui? Il n'en pensait rien de spécial, il n'était pas plus que cela un fan de chocolat et le fait de voir ses meubles, sa maison, sa voiture et tout ce qui va avec devenir du chocolat ne lui avait fait ni chaud, ni froid. Il s'y était fait aux bizarreries de cet endroit, parfois il pouvait trouver cela quelque peu agaçant quand ça débordait sur son train train quotidien, parfois il trouvait cela fascinant d'en apprendre toujours plus sur cet endroit et être surpris lorsqu'on allait plus loin que ce qu'il aurait pu croire capable une telle ville. Une dernière poignée de main (c'est toujours bizarre, les moeurs des autres quartiers qui se confondent avec le sien) et un dernier sourire professionnel d'amabilité et de "à notre prochaine séance" avant qu'il n'ouvre la porte de son cabinet pour faire sortir l'homme qui repartit.

Le voilà regarder autour de lui, tient, il y a un gamin qu'il n'a jamais vu. Jeune? Non, pas vraiment, il a vu passer de tout dans son bureau et vu le nom qu'il se souvient avoir vu dans ses rendez-vous, il y a fort à parier que son prochain patient, c'est lui.

- Donatello Balcani? Enchanté, mais rentrez donc et prenez place sur le divan ou sur la chaise, c'est comme vous désirez.

Il y avait un divan pour s'allonger mais certains préféraient la chaise près de son bureau, il préférait laisser le choix à ses patients pour qu'ils se sentent plus libres de leur choix et ne pas donc se sentir oppressés.

J'étais pas bien alors on m'a dit de venir ici.... mais je suis pas malade monsieur. J'ai pas besoin docteur, je suis pas un fou.

Savez-vous combien de fois il entend cette remarque par jour? C'était une rengaine inlassable, ça, que cela soit à Weirdtown ou ailleurs, c'était toujours la même chose. Cette perception, peu importe les années, collerait à la peau de ce métier. Oh, cela lui était parfaitement égal, mais il veut bien croire que cela était agaçant pour certains. L'hopital psychiatrique, la psychanalyse de Freud, les horreurs faites en secret et découvertes bien plus tard dans le domaine de la "psychologie" resteront encore bien vivaces dans les esprits et ce même si c'est une époque révolues, et ce même si les scientifiques en ont fait tout autant si ce n'est plus.

Il a déjà entendu également des: "Mais à force d'écouter des fous, ça ne vous rend pas aussi un peu maboule?" "Vous devez être un peu fou pour faire ce métier" "On dit toujours que ceux qui font psy ont un problème psychologique ou familial". Hmm il faudrait faire des études sur le sujet, c'est probable que beaucoup s’intéressent à la psychologie au départ pour se soigner d'un mal, profond ou non, il n'en sait rien, est-ce son cas? Non, lui il aime juste écouter les autres parler, c'est un peu du voyeurisme à sa façon, mais en échange il aide ces personnes, c'est une sorte d'accord tacite entre eux.

Il accorde de l'attention à la personne, cette oreille attentive qui manque cruellement à sa vie, il est le héros pendant une heure, il peut enfin raconter son histoire et on se doit de l'écouter, sans le juger, juste lui prodiguer les conseils qu'il veut, il pourrait croire qu'on est d'accord avec sa vision des choses mais en réalité il n'en est rien, les psy ne sont pas là pour dire explicitement ce qui est bien ou mal, certains le font, mais leur rôle est bien plus neutre, ils sont là pour explorer des solutions, d'aider dans le cheminement de réflexion.

Car "donner la solution" n'est pas vraiment une bonne chose, c'est "la solution du psy", elle n'est pas nécessairement celle qu'aurait pris le patient, donc nous diront plus que le psy aide à comprendre la manière de penser de son patient, fait des hypothèses, des propositions même parfois et essaye de l'aider à parvenir de lui-même à sa solution. Son but est à la fois simple et compliquée, il est à la fois toujours le même et toujours différent d'un patient à un autre.

J'ai vu des choses qui m'ont fait peur durant Pâques. Et avant aussi. On m'a dit que je devais venir vous en parler. Vous savez des choses ? Si beaucoup de personnes viennent vous parler, vous devez forcément savoir !

Le gamin continuait à parler, Hitoshi avait toujours pris l'habitude de ne jamais prendre de notes. Pourquoi? Parce qu'il trouvait toujours cela à la fois très malpoli et surtout cela pouvait déranger le patient qui pourrait se sentir comme une bête de foire, comme un sujet à observer et analyser, ce n'est jamais une bonne chose. Heureusement, il avait une très bonne mémoire alors il mémorisait chaque détail mais il pouvait comprendre tous les autres psychologues qui se devaient de tout écrire en même temps ou peu de temps après de peur d'oublier, tous les êtres vivants n'ont pas les même facultés et on ne sait jamais ce qu'ils peut se passer au cours d'un rendez-vous, le patient peut très bien être instable et indéchiffrable, faire quelque chose de saugrenue et faire perdre le fil des pensées ou de la mémoire du professionnel. Lui? Il ne se laisse pas facilement impressionné. Il ne se souvient même plus quand est la dernière fois que cela a été le cas d'ailleurs.

J'ai triché durant la chasse aux œufs.... MAIS JE SAVAIS PAS ! Fallait pas manger de chocolat avant d'avoir trouvé la solution. Du coup, Goosebump m'a punit, elle a tirer une carte... une dame de pique. Elle m'a dit qu'un monstre me pourchasserait..... vous avez déjà eut quelqu'un dans ce cas ?

Oui, il avait bien eu quelques cas, d'autres cartes aussi avait été tiré. Pourtant, il lui semble que les autres avaient trichées mais savaient pertinemment que ce qu'ils faisaient étaient mal. Ce gamin, n'était-il vraiment pas au courant ou n'avait-il pas écouté les consignes de la Boss du quartier Caucasien? Il attendit néanmoins qu'il finisse avant de parler. Pourtant la dernière chose qu'il lui demanda provoqua chez lui des réflexions plus intenses. Oublier quelque chose d'important à propos de lui? Oublier....qu'a-t-il oublier? Y a-t-il quelque chose qui lui manque? Oui, il y a quelque chose...mais quoi? Une présence. C'est important mais ce n'est pas à propos de lui. A-t-il oublier des choses a propos de lui? Peut-on oublier certains traits de sa personnalité? Hmm non, bien sûr que non, mais s'il a oublié certains moments de sa vie ou certaines personnes alors peut-être que certains traits de sa personnalité peuvent s'effacer ou du moins rester en sommeil.
Bonne question, le voilà joindre ses mains sur la table avec un léger sourire.

- Tous les jours j'ai ce sentiment et je suis loin d'être le seul, beaucoup d'autres personnes ont cette impression.

C'est peut-être, d'une certaine manière, le prix à payer pour vivre ici.

- J'ai déjà eu des cas similaires, certains ont eu d'autres cartes mais j'ai eu aussi quelqu'un qui a eu la même carte que toi. Mais ne t'inquiète pas, tout a pu se résoudre puisqu'il est toujours vivant. Tu m'as dit que tu avais vu des choses qui t'avais fait peur, de quoi s'agit-il? Oh, d'ailleurs, j'aimerais savoir, tu viens d'arriver à Weirdtown ou est-ce que ça fait longtemps que tu es là?

Oui, c'est toujours plus intéressant de savoir s'il est nouveau, cela expliquerait sa réaction face au surnaturel. Heureusement, Hitoshi sait encore que ce genre de chose n'est pas normal en dehors de Weirdtown, certains patients ont au moins le mérite de le lui rappeler. Mais il est vrai qu'il s'est un peu trop habitué et adapté à cet endroit, c'est un bon et un mauvais point.

Le pauvre garçon ne se souvient plus où il a habité? Certains sont plus touchés que d'autres par l'oubli, il semblerait que dans son cas il oublie très rapidement ou alors qu'il oublie ce genre de sujet, difficile à dire pour le moment. Lui,  par exemple, se souvient qu'il est né au japon mais....il ne se souvient effectivement plus où. Certaines régions lui viennent en tête mais il y en a plusieurs pour une obscure raison, peut-être était-il un homme qui voyageait beaucoup? C'est assez surprenant, il lui semble pourtant être le genre de personne à ne pas aimer déménager et simplement vivre sa vie tranquillement, la routine lui convient très bien. Il comprend donc que ce genre de chose puisse lui faire peur et le voilà donc faire un hochement de tête silencieux.

- J'ai l'impression que si je n'ai pas mes souvenirs... je ne suis pas moi-même. C'est ce qu'on a vécu qui fait de nous ce que nous sommes. J'aimerais trouver une solution

C'est très intéressant ce que cet enfant dit là. Est-on soi-même si on n'a plus tous ses souvenirs? N'est-on pas l'ombre de soi-même dans un tel état? Ce sont nos souvenirs qui nous forgent alors est-ce que l'on peut dire que l'on régresse? Non, peut-être pas régresser; même si on a plus nos souvenirs, on reste le même....juste on ne connait pas les causes à effet. On ne sait plus pourquoi on a telle ou telle valeur, pourquoi on est Hitoshi et pas un autre. Par contre....peut-on évoluer si on oublie tout? Pas sûr, on reste dans un état plus ou moins stationnaire. Enfin, non, il a l'impression qu'on oublie que ce qui ne concerne pas Weirtown, il se souvient de tout son temps ici, enfin....il pense? Il y a définitivement des zones d'ombres.

Par contre, trouver une solution....c'est....compliqué. Après tout, il y a des solutions oui, mais il est possible que cela ne fonctionne pas,  d'autant plus qu'il n'a pas vraiment étudié le sujet de l'hypnose même s'il en a entendu parlé. C'est assez dangereux ce genre de pratique, mais ça peut valoir le coup d'essayer.  

- Que je sois plus chez moi, que j'ai plus mes parents, que tous les commerces ferment la nuit brusquement, j'ai vu des gens qui avaient des visages bizarres je crois pas qu'ils soient humains, j'ai vu un fantôme à l'école et on l'a exorcisé, j'ai vu des appareils qui fonctionnaient très bizarrement, j'ai vu Goosebump me réprimander parce que j'avais triché et.... j'ai vu..... cold_sweat ..... j'ai vu un grand loup blanc aux yeux rouges qui parle. Il a faillit nous dévorer et il est parti dans la forêt !!

Ça fait....beaucoup de choses pour un simple gamin, mais eh, c'est normal ici, il a entendu bien pire que cela. Bien bieeeeeen pire. Mais c'est sûr que ça doit être traumatisant pour cet enfant. Il l'écoute, toujours les deux mains jointes, parfaitement stoïque mais avec un sourire poli et amical pour ne pas paraître fermé d'esprit, oui au contraire, il est ouvert au discours de son patient.

- C'est le monstre qui vient pour dévorer les mauvais enfants j'en suis sûre !

Oh lui, il n'a pas encore rencontré El coco, de ce que lui ont dit plusieurs de ses patients et les dessins qu'on fait certains des enfants du boss, cela a l'air  d'être lui le plus effrayant des monstres. Est-ce qu'il dévore ses victimes? Beaucoup l'en pense capable.

- J'ai...... j'ai.... Mr. le Psy...... j'ai l'impression d'avoir du sang sur les mains... Je crois que j'ai fait quelque chose de mal. C'est une punitions divine !!!! Cet endroit c'est l'enfer !!

L'enfer? Ah oui, c'est vrai, certains lui ont également dit ça. Dans beaucoup de cultures ont croit à un enfer, c'est un peu différent pour les japonais, enfin, pour lui en tout cas. Pour lui, soit on reste en tant qu'esprit errant, soit alors on ne fait plus qu'un avec notre environnement, comme un élément de la vie, de la nature, on devient le grand tout en quelque sorte. C'est un concept compliqué mais il veut bien croire qu'on est né du grand tout et qu'une fois mort on revient simplement au grand tout. Certains peuvent l'appeler Dieu, c'est une manière de voir les choses et ici il a effectivement l'impression qu'il y a des puissances supérieures à l'oeuvre. Est-ce que l'enfer serait ainsi? Pour lui, il comparerait davantage cela à ce que les européens nomment, pour la plupart, le purgatoire.

Punition divine? Sang sur les mains? Parfois il a cette impression aussi mais on ne peut pas prendre son cas pour une généralité.

- Et si c'est le cas, n'est-ce pas une situation idéale? Après tout, si tu as effectivement fait quelque chose de mal, est-ce que le fait de ne pas s'en souvenir est une mauvaise chose? Réfléchis-y, si cet endroit était véritablement l'enfer, on ne voudrait pas te faire oublier ce que tu as fait, on voudrais te torturer avec ton pêché, non?

Il marque une pause et le fixe avec un air parfaitement calme malgré des propos qu'il ne devrait peut-être pas avoir pour un psy, mais, eh, il n'est pas un prêtre d'église, il prend ce qu'on lui dit d'une manière réaliste.

-Ne veut-on pas au contraire t'offrir une seconde chance de tout reprendre de zéro? Cela expliquerait pourquoi ta mémoire est aussi endommagée. Imaginons que la créature représente ton passé qui te pourchasse par rapport à ce que tu as fait, au départ, c'est toi qui as désobéit à Goosebump, c'est bien ça? C'est donc toi qui, d'une certaine manière, t'es infligé cela, c'est toi qui t’ai rattaché au passé et donc celui-ci te colle à la peau. Et donc, que faut-il faire dans ce cas de figure? T'en débarrasser. Je suis sûr que c'est ce que Goosebump te l'a dit, non? Que pour être enfin tranquille, il allait falloir s'occuper de la créature.

Après tout, d'autres patients s'étaient plains de la même chose. Mais, c'est peut-être trop obscur pour le garçon.

-Considère que la créature représente tes démons, c'est à dire toutes les mauvaises choses que tu as faites, peut-être même une partie de toi qui te fait peur et que tu n'aimes pas. Afin d'avancer, il faut savoir accepter cette partie de toi et t'en débarrasser pour passer à autre chose.

L'enfant parle. Il parle beaucoup. Et Hitoshi l'écoute. Il l'écoute jusqu'au bout et sans le couper. Il a compris mais en même temps, il n'a pas tout à fait saisit se qu'il voulait lui dire. C'est normal, après tout lui non plus doit avouer qu'il ne saisit pas tout ce que lui dit cette ville. Au moins ce garçon se questionne, c'est bien. Un esprit critique est une bonne chose tant qu'il ne montre cela à personne d'autre que lui. Car les adultes préfèrent les enfants sages. Les enfants qui ne se posent pas de questions. Qui sont obéissants et acquiesce à leurs moindres désirs. On a toujours peur de ce qui est différent. On a toujours peur de l'inconnu, de ce qu'on ne comprend pas. Lui même s'est toujours senti différent mais il a appris qu'il était bien mieux de prétendre rentrer dans le moule que de ne pas le faire et causer un tumulte inutile et dérangeant. Il aime sa vie tranquille.

Alors, le voilà prendre son crayon et l'examiner comme s'il le découvrait pour la première fois malgré son expression détaché. Il regarde le bout, là où se trouve sa gomme. Une seconde chance. Tout effacer pour tout recommencer. Puis tourne le crayon du côté mine. Pointue....une déchéance. Une douleur qui nous affecte. On sait que l'on oublie. Les malédictions. Les boss. Le retournant à nouveau il met cette fois à l'horizontale l'objet. Dans son entièreté. Le positif comme le négatif.

- Et si il s'agissait des deux?

Il avait dit cela à la fois pour le garçon mais aussi pour lui. Comme s'il le réalisait d'une certaine manière lui aussi ou alors peut-être l'avait-il toujours su au fond. Sortant de son absence, il tourne son regard à nouveau vers le plus jeune.

- Tu as dit tout à l'heure que si tu acceptais cette partie de toi alors tu ne pouvais pas t'en débarrasser, c'est bien ça? Et pourquoi veux-tu opposer ses deux idées? Elles te semblent incompatibles? Fuir une partie de soi, ce n'est pas l'accepter mais la rejeter. Si tu lui fais face, cela veut dire que tu admet enfin son existence, ainsi elle arrêtera de te poursuivre et tu t'en débarrassera donc.

Reposant le crayon, il joint à nouveau ses mains sur la table.

- Tu dis que la ville te dicte quoi faire ou comment penser? Tu veux être libre? Je ne pense pas que nous soyons libre de prime abord. C'est tes parents, ta famille, tes amis, la société qui te dicte comment penser. Tu n'as jamais été libre en réalité. Et maintenant que tu l'es, que tu n'as plus de fondation sur lequel t'appuyer, tu ne sais plus qui tu es car tu n'as jamais pensé réellement par toi-même.

Non, il ne parle plus comme un prof, il réalise quelque chose, quelque chose de bouleversant. C'est ça, la véritable liberté. Se forger soi-même. Ne plus avoir de fondation. Il faut d'abord tout détruire pour tout reconstruire.

- Oui, ici, on est vraiment libre, on peut enfin être soi, on peut réfléchir par soi-même. Il ne s'agit pas d'apprendre de nos erreurs pour s'améliorer, il s'agit d'abord de renaitre, sans influences externes et internes, d'abord il faut savoir si l'on a commis une erreur pour commencer et pour cela il faut oublier nos à priori à ce sujet, tout ce qu'est le bien et le mal.

Il est proche, si proche de comprendre. Il esquisse un sourire satisfait, se croyant presque seul l'espace d'un instant. Il lui manque quelque chose. Ah oui, c'est vrai, son patient est toujours là lui aussi, il veut des réponses, donnons lui en.

- Si cette ville cherchait vraiment à faire de toi son pantin, ne t'aurait-elle pas complétement effacée la mémoire plutôt que de l'endommagée? C'est évident que cela est fait exprès. Pourquoi? Pour te mettre à l'épreuve? Pour te punir tout en te donnant une chance de rattraper ton erreur? Et si ton erreur, à tes yeux, n'en avait pas été une? Il est tout à fait possible que l'on t'ais effacé la mémoire parce que sinon tu te serais contenter de poursuivre ta vie en toute quiétude ou en te contentant de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre.

Voilà, une explication servie sur un plateau d'argent. Est-ce qu'il croyait à ce qu'il disait? Oui et non, mais il avait effectivement l'impression que la ville ou que quelque chose voyait à travers eux, savait tout d'eux. Et ce sentiment de ne plus avoir besoin de se cacher....c'était quelque chose de libérateur. Libérateur de quoi? Il ne sait pas trop mais c'est une bonne chose.