Kat' and the cat | feat Katinka KleinJeu 5 Oct - 15:51
Le texte en gras est du langage alien.
Le texte en italique est de l'anglais.]
Si vous deviez demander à Lily Noire ce qu’elle fait ici, la réponse serait : « je ne sais pas ».
Tout a commencé ce matin. A la lisière de sa forêt, la créature a observé avec un mélange de curiosité et de fascination la cité qui est visible dans le lointain. Elle lui a paru à la fois étrange et familière, inquiétante et intrigante. Weirdtown – d’après Maodan, c’est ainsi qu’on appelle cet endroit – semble regorger de vie et d’habitations en tout genre. La forêt est beaucoup plus spacieuse, plus calme aussi, et Lily Noire s’y sent parfaitement à son aise ; pour autant, il y a, quelque chose en elle, une voix intérieure, qui la pousse hors de celle-ci.
Elle se doit d’aller voir. Il y a sûrement des choses, là-bas, pour elle.
En tout cas, c’est ce que son instinct lui a dicté, à ce moment là.
Ce que son instinct ne lui a pas précisé, en revanche, c’est qu’il y a aussi ces trucs, communément baptisés « humains », qui abondent en nombre, dans le coin. Lily Noire connaît, les humains – ou du moins, en a-t-elle l’impression – pour autant, elle n’y a pas vraiment prêté attention, en foulant de ses petites pattes le quartier asiatique. Si ses mains ont agrippé avec fermeté les lanières de son sac végétal, ses yeux, eux, ont papillonné entre les cerisiers en fleurs et les balcons soigneusement entretenus. Complètement absorbée par leurs senteurs printanières et la beauté de leurs pétales, elle n’a remarqué qu’au dernier moment la main qu’un inconnu a voulu apposer sur son épaule. Sa réaction ne s’est alors pas faite attendre : Lily Noire a sursauté, et a détalé sur ses quatre pattes, croyant se faire attaquer.
Sa fuite l’a menée jusqu’au quartier hispanique. Les lieux lui ont certes paru moins fleuri, mais les odeurs de nourriture et l’agitation ambiante ont quand même su capter son attention. La température y est aussi plus élevée, et cela fait bien longtemps qu’elle n’a pas eu l’occasion de profiter d’un bon bain de soleil. Hélas pour elle, elle n’a guère eu le temps d’en jouir, car cette fois-ci, ce n’est pas un humain, qui l’a fait fuir, mais un chien, qui pour le coup, s’est véritablement montré véhément à son égard. La pauvre Lily Noire a manqué de trébucher en se faisant aboyer dessus, et a bien cru finir sous ses crocs lorsqu’il s’est lancé à sa poursuite.
Elle est néanmoins parvenue à le semer au niveau du quartier africain. L’environnent y est plus doux, pas aussi agréable qu’auprès des cerisiers en fleur, mais moins assommant que dans les précédentes ruelles. Cette fois, elle a essayé de se montrer un peu plus attentive à son environnement, mais hélas pour Lily Noire, les choses à découvrir sont bien trop nombreuses et sa curiosité, sans borne. C’est ainsi qu’au détour des étales du marché, ses pattes ont spontanément attrapé un bocal, dans lequel se trouve des espèces de poissons marinés. Bizarrement, sa propriétaire n’a pas voulu laisser la chatte repartir avec, et lorsqu’elle s’est saisie de son balai, la créature a jugé bon de s’enfuir, une fois encore.
Un frisson désagréable a parcouru tout son corps quand elle est arrivée dans le quartier caucasien. Le froid qui y règne et la neige humide l’ont mise bien à mal : en dépit de ses mauvaises expériences dans les quartiers précédents, c’est certainement celui-ci qu’elle aime le moins. Se blottissant dans ses vêtements, elle a malgré tout essayé de passer outre le grelottement de sa mâchoire et la sensation désagréable de son pelage trempé, mais en vain. De dépit, elle s’est abritée dans des escaliers, qui ont mené à un couloir souterrain, qui ont mené à des portes, ouvertes sur des fauteuils douillets. Sans s’en rendre compte, Lily Noire est venue embarquer dans l’un des nombreux métros qui sillonnent Weirdtown : lorsque les portes se sont renfermées, elle n’a rien pu faire à part constater avec horreur que tout autour d’elle s’est ébranlé, puis mis en mouvement.
Passées plusieurs minutes à feuler sur tout ce qui bouge, c’est livide que Lily Noire est parvenue à quitter une station, pour à nouveau, atteindre l’extérieur. Tendue, épuisée et à bout de souffle, elle a laissé ses pas la guider jusqu’à un endroit moins hostile.
Ses oreilles ont fini par capter des cris joyeux et juvéniles. Ce son, sans le connaître, lui a pourtant paru réconfortant. Cela lui évoque des souvenirs agréables… Mais elle n’est pas sûre de se rappeler lesquels. En tout cas, elle a la sensation qu’ils appartiennent à des créatures de son âge. Peut-être est-ce là, qu’elle trouvera ce qu’elle est venue chercher ?
Alors, nous y voila. C’est ainsi que, postée dans un buisson, Lily Noire s’est mise à observer la cour de cette école. Des humains plus petits que ceux croisés en ville s’y amusent, et jouent en s’envoyant tour à tour une balle. Les pupilles dilatées de la chatte suivent avec attention les mouvements du ballon, et ses deux queues balaient de gauche à droite en signe d’intérêt.
Et justement, la balle vient de rouler en sa direction. Après avoir échappé des mains à l’un des enfants, elle a rebondi sur quelques mètres, pour paisiblement finir sa course à deux pas du buisson. Toujours planquée dans ce dernier, Lily Noire est stupéfaite : que doit-elle faire ? L’attraper ? Ne pas l’attraper ? Sortir de sa cachette ? Y rester ?
Prise en plein débat avec elle-même, ses yeux dorés, qui transparaissent au travers de la végétation, fixent avec intensité le ballon. Elle ne s’en est pas rendue compte, mais à force de remuer, ses deux queues ont fini par surgir au dessus d’elle. Elles continuent de se balancer délicatement de gauche à droite à mesure qu’elle réfléchit à sa prochaine action…