Un toast à la santé du nouveau shop ! — feat Xiao, Rain, Donatello, Diego, Samantha

En civil, je me promenais dans le quartier asiatique de Weirdtown. J’appréciais cet endroit – peut-être pas autant que le calme du quartier caucasien –, toutefois le printemps éternel dans lequel il était figé donnait au lieu une beauté bien singulière. M’arrêtant un instant pour contempler les cerisiers en fleurs, je me perdais dans mes pensées. Depuis ma dernière rencontre avec El coco, je ne pouvais me défaire de ma curiosité grandissante envers les boss. Le croque-mitaine n’était que malveillance, j’en étais certain. Tout comme j’étais sûr que j’aurais pu perdre la vie face à lui. Je me demandais en outre ce qu’il en était des autres boss, et plus particulièrement Onichan du quartier asiatique. Nul doute qu’il s’agit du boss le plus calme, et peut-être le plus pacifique de tous. J’étais pourtant convaincu que comme El coco, Onichan restait une menace, une menace à vaincre. Bien sûr, je n’avais pas encore de preuves de ce que j’avançais. Aussi fallait-il que je cumulasse les preuves et que je continuasse ma petite enquête. Peut-être devrais-je contacter Rithy sous peu, le jeune garçon semblait riche en ressources, et en informations.

Alors que je poursuivais ma marche, mon attention fut tout de suite attirée par une nouvelle vitrine ; un magasin qui n’existait pas auparavant. Me souvenant soudainement de la raison première de ma venue, j’entrais dans le tattooshop pour la première fois.

« Bonjour, j’ai entendu dire qu’un nouveau magasin ouvrait dans le quartier asiatique de Weirdtown. »

Regardant autour de moi, je vis que le magasin était finalement aménagé. Je n’étais en outre guère le premier arrivé. Je reconnaissais mon collègue plus âgé, Xiâo. Il y avait également une sorte d’étrange petit fantôme qui attirait ma curiosité – s’agissait-il d’une créature ? Puis, un homme aux cheveux blancs, sans doute le propriétaire du nouveau magasin. Je devinais que cela devait être une réussite pour lui. Je ne connaissais certes guère beaucoup de monde, mais je me demandais si cette personne venait d’arriver à Weirdtown. Cela ne me surprendrait guère. Quand bien même je trouvais quelque peu injuste que les étrangers se retrouvassent privés de leur mémoire et de leurs proches à leur arrivée ici, au moins pouvaient-ils mener la vie qu’ils souhaitaient. M’efforçant de sourire – réflexe guère bien naturel pour moi – je m’étais approché du propriétaire du tattooshop.

« Félicitations pour cette nouvelle aventure. Avez-vous besoin d’une aide quelconque ? »

Je venais de débarquer un peu à l’improviste, c’était la moindre des choses. Bien que je me doutasse qu’il n’y eût pas besoin d’une grande aide pour finir les derniers aménagements, peut-être qu’ils étaient même déjà faits. Si le propriétaire du magasin venait effectivement d’arriver à Weirdtown, j’espérais qu’il se sentirait bien ici. Tout n’était sans doute pas parfait, il devait y avoir beaucoup de choses différentes par rapport au monde extérieur que j’espérais explorer un jour, pourtant, je restais attaché à cette ville et ses habitants.

« Pardonnez, j’en oublie mes politesses. Je m’appelle Diego Pastor. »

Le flyer est là, posé sur le comptoir de la cuisine depuis qu’elle est revenue de ses courses le jour précédent. Samantha a déjà lu et relu cent fois les mots écrits en gras sur le papier, et ce n’est toujours pas là un événement qui l’attire particulièrement, et pourtant. Pourtant elle ne peut se résigner à simplement jeter l’annonce. Il y a quelque chose qui l’interpelle. Ce n’est pas son instinct professionnel non, c’est autre chose.
Sam chasse sa petite voix intérieure. Il n’y a rien à y chercher, il n’y a pas toujours des bizarreries à chaque coin de rue.
Et pourtant…
Samantha troque ses affaires de travail pour un style plus décontracté. Puis elle plie le prospectus en deux et le glisse dans son sac à main.

Sous son casque de moto, les lumières du soir commencent à se refléter sur les fenêtres du quartier asiatique, et les délicates fleurs roses des cerisiers semblent briller sous la lueur timide des réverbères. Le climat est moins humide que chez elle, dans le quartier africain, et moins chaud que celui hispanique où elle travaille. C’est agréable.

Elle laisse sa bécane sur une place plus loin et se dirige enfin vers l’adresse. Il y a les mêmes flyers scotchés sur la devanture que celui dans son sac. C’est bien ici.
« Verre de l’amitié »… Qu’y a-t-il dans ces mots de si étrange pour qu’ils puissent l’attirer ici ?
« Amitié », enfin elle met le doigt dessus - littéralement. A bien y penser, depuis son arrivée à Weirdtown, elle se sent parfois isolée, étrangère dans cette petite communauté, et pourtant elle connaît l’importance de s’immerger dans la vie de la ville pour mieux saisir ses mystères. Et puis ça lui ferait du bien de rencontrer de nouvelles personnes et, qui sait, de peut-être se faire quelques amis.

D’un pas décidé, Samantha entre dans l’établissement. Quelqu’un a fait des efforts pour rendre la pièce chaleureuse et agréable, elle ne peut s’empêcher de le noter… et d’apprécier le geste. Elle n’est pas la première arrivée, trois hommes sont déjà autour de la table :
Sam reconnaît Feng, avec qui elle a bouclé une enquête il y a seulement quelques semaines. Elle avait espéré un moment de détente loin du travail, mais soit. Rapidement la surprise est remplacée par de la curiosité.
Puis l’autre jeune homme aux cheveux noirs… Elle a l’impression de l’avoir déjà croisé, mais où ? Sa mémoire lui joue encore des tours.
Pour ce qu’il est de l’homme aux cheveux blancs, elle déduit grâce à son t-shirt qu’il s’agit… du propriétaire de ce fameux salon de tatouage. Habile.
Enfin, elle fait à peine attention à la créature postée en hauteur, décrétant de façon évidente que l’objet est un élément de la décoration. Habile, mais pas si futée.

« — Bonsoir, messieurs, dit-elle d'une voix amicale en s'adressant à l'assemblée. Félicitations pour l’ouverture, ajoute-elle cette fois à l’attention du propriétaire, c’est vraiment super de voir de nouveaux établissements s’installer ici ! »
Samantha sourit. Elle ne connaît absolument rien en tatouage et en art de façon générale. Ce soir sera la parfaite occasion pour commencer à s’y intéresser.

Un flyer. Écrit en asiatique et en anglais. Un flyer qu'il n'avait pas réussi à lire, mais il savait une chose : Il y a une image de buffet dessus. Ça lui suffisait amplement pour faire son choix . Vous savez ce qui est pire qu'un gamin hyperactif et affamé ? Un gamin hyperactif, affamé et qui n'a pas pris de douches depuis plusieurs jours. C'est pas sa faute, hein..... il a récemment été maudit pour une raison inconnue et..... il a peur de l'eau maintenant. Mais heh, c'est pas grave, faut voir le bon côté des choses, se laver c'est une perte de temps ! Il a donc tout son temps pour venir ici !
Il se sent smart. Il paraît que c'est un salon de tatouage qui s'ouvre. C'est très très « cool et edgy » tout ça. Est-ce qu'il pourrait en avoir un ? Il serait trop classe avec ! C'est sûr que toutes l'école serait auprès de lui ! C'est les adultes qui en font normalement. Il pourrai passer pour un grand, il voyait déjà le tableau : OUAAAH Dona comment t'as fait ? ; T'es trop classe Dona !!! ; T'as pas eut mal ??????
Oui, il lui en faut un !!!

SALUT TOUT LE MONDE !!!!!  FÉLICITATION POUR L'OUVERTURE !

Entrée fracassante ! Les portes du magasin auraient trembler si elles n'avaient pas été laissés grandes ouvertes pour laisser entre les invités. Il était le seul avec Samantha qui n'était pas venu pour aider, bien que ses raisons soient bien plus égoïste que cette dernière.
Et........... et c'est là que les ennuis commencent.

Une réaction en chaîne se produit.
Weirdtown.

Il est rentré tellement comme un boulet de canon qu'il bouscule Samantha, c'est alors que sa Bible du culte tombe au sol ( elle aura son importance ) , il ne le remarque pas et se dirige, bien entendu, vers le buffet sans s'excuser. Le convive intéressé.
En s'approchant, il met déjà 3 petits fours dans sa bouche et tend sa main pour se servir du jus de fruit avant de.... !!!!   C'EST UNE CARAFE D'EAU ?!!! QUI A MIS CA LA C'EST SUPER DANGEREUX !!!! Il fait un mouvement brusque et en renverse le contenu sur le pauvre Chat, qui était si beau avec son nœud papillon !!
Le félin apeuré d'être si soudainement trempé de la tête au pied par une eau glacée ( si tenté qu'il y avait des glaçons ! ) saute sur l'étagère où était le pauvre Teru. L'étagère, fraîchement fixée au mur, grince dangereusement, menaçant de faire tomber ce qu'elle contient.
Le pauvre fantôme, fuyant pour sa vie et celle de sa ficelle se précipite ailleurs et percute le visage de Diego faisant voler ses lunettes plus loin et qui, ne voyant plus rien, recule un peu par surprise et..... marche sur le bouquin tombé par terre un peu plus tôt, tombant au passage et entraînant Xiao dans sa chute. L'objet du démon ( le livre ) vol alors dans les airs et retombe entre les mains de Samantha.
La boucle et bouclée.
Complot.

Tout ça, devant les yeux de la personne qui a tout organisé : Kyô.

Le responsable regarde évidemment les évènements interloqué et sans se bouger, il y a plus important à ses yeux, les petits-fours. La carafe d'eau étant neutralisée.
Alors ce verre de l'amitié ?

Comment une scène si conviviale avait-elle pu tourner en chaos sans nom ? Tout commença à l’arrivée d’un collégien – que j’avais peut-être déjà croisé auparavant. L’enfant sembla appeuré à la vue de la carafe d’eau, qu’il renversa sur le chat. Sans que je pusse avoir le temps de réagir, le petit fantôme se précipita sur mon visage. Je perdais l’équilibre tandis que mes lunettes volèrent. Le choc passé et reprenant rapidement mes verres, je regardais autour de moi tandis qu’on m’aider à me relever. Je n’avais pas compris la réaction de l’enfant, avait-il tenté de jouer au plus malin en essayant d’attirer l’attention ? Je m’apprêtais à le réprimander, mais mon collègue lui avait déjà ordonné de réparer les dégâts. Mon attention se porta à nouveau sur la petite créature qui m’avait percuté. Je m’attendais à la voir reprendre forme, à parler pour nous confirmait qu’elle allait bien, mais il n’en était rien. Je vis le bout de ficelle toujours maintenu par la griffe du chat, et je m’étais empressé de le décroché. Le petit fantôme était probablement inconscient, n’est-ce pas ? Non, non, il ne pouvait pas...

« Dis quelque chose. » fis-je d’une voix rauque.

Le coeur battant, je compris que la créature ne répondrait plus. Elle était morte durant cet incident. Quelqu’un était mort sous mes yeux et je n’avais rien pu faire. C’était la première fois que je voyais quelqu’un mourir à Weirdtown, pourquoi ce sentiment m’était-il donc si familier ? Je n’avais guère le temps, ni l’esprit de réfléchir sur l’étrangeté de la ville au vu de la gravité de la situation. Je me sentais révolté et impuissant. J'avais l'impression d'avoir failli à mon devoir. Pourtant, il fallait mettre mes sentiments de côté pour rétablir l’ordre. Mon métier l’exigeait, quand bien même je ne portais pas mon uniforme aujourd’hui. Lançant un regard entendu à Xiâo, je m’étais tourné vers le coupable. Quand bien même la colère crispait ma mâchoire, je ne devais pas passer mes nerfs sur cet enfant. La première étape d’une enquête était bien de comprendre ce qui s’était passé et pourquoi le collégien avait réagi de la sorte.

« Pourquoi as-tu fait ça ? »

J’avais effectivement remarqué que c’était la vue de la carafe d’eau qui avait provoqué cette réaction. Pourquoi, avait-il eu peur ? Je remarquais également que les cheveux du jeune adolescent étaient bien gras, comme s’il ne s’était pas lavé depuis un moment. J’ignorais ce que mon collègue en pensait, mais j’avais l’intuition que tout ceci cachait quelque chose, et ne relevait pas du simple caprice de la part du collégien.

Comment cette soirée amicale avait pu virer aussi rapidement au cauchemar ?
Le gamin affamé qui la bouscule, que l’objet en hauteur présente d’ailleurs comme le dénommé “Donatello”. Ah ce truc blanc c’est une créature ? Noté.
La carafe d’eau renversée sur le chat et la réaction en chaîne qui en suit. Ce livre lourd, propulsé comme un boulet de canon entre ses mains. Tout ça, sous ses yeux spectateurs et impuissants.
Tout est allé si vite.

« Putain c’est à qui ce gosse… », pense Samantha à voix haute en rassemblant ses esprits.

Rapide coup d'œil dans la salle pour constater les dégâts. Tout le monde a l’air de s’être ressaisi après le choc. Tant mieux. Sauf la créature, par terre, dont le jeune homme s'enquiert de l’état. Le chiffon est… mort ? Oh merde. Allait-on faire une cérémonie funéraire pour lui ? Tiens d’ailleurs, il est où, le cimetière ?...

Mais il y a plus important que de savoir où est le cimetière le plus proche.
Samantha jette enfin un œil à la couverture de l’objet atterri comme par magie entre ses mains.
Ce livre…
C’est…
Oh mon dieu…
LA BIBLE DES CROYANTS !

Elle hallucine. Alors ça, si un jour on lui avait dit qu’elle entrerait en sa possession en allant à un verre de l’amitié, elle ne l’aurait pas cru. Depuis le temps qu’elle cherche à mettre la main sur l’un de ces rares exemplaires, c’est un gamin maladroit et malpoli qui lui donne, c’en est presque humiliant.

D’ailleurs Xiao lui tend un seau pour nettoyer ses bêtises. Parfait, ils auront la paix pour au moins quelques minutes. Et elle, elle va pouvoir feuilleter le précieux ouvrage tranquillement. Alors elle tire l’un des sièges pour s’y installer et commencer à étudier le livre.
Désolé pour le propriétaire du shop. Désolé pour la créature gisante sur le sol.
Mais Samantha, sa priorité pour le moment, c’est la bible, et plus rien d'autre autour n'a d'importance.
Et elle aura une multitude de questions à poser à ce Donatello une fois sa corvée terminée.

Non.

Non ? Non quoi ?
Il regarda de haut en bas et de bas en haut le propriétaire du magasin tandis que le policier lui parlait. Ce type, il était trop gentil ça se voyait. Il avait un œil pour ça, pour repérer les gens dont on peut facilement abuser, mais il ne pouvait pas en dire de même avec Xiao. Ses yeux se dirigèrent vers la serpillière et il haussa un sourcil.

Non, hors de question. Je ne touche pas ça moi. Ce n'est pas ma faute, je n'ai rien fait de mal.

Il regard l'homme d'un air de défi. Comme ces gamins à peine entrée au collège qui pensent déjà pouvoir faire la loi parce qu'ils peuvent monter à l'avant des voitures maintenant. Il reprit même un petit four devant lui pour illustrer sa résolution de ne pas bouger.
Mais quel enfoiré.

C'était un pur accident, c'est vrai quoi, il avait juste renversé cette carafe, le reste, c'était le chat qui avait provoqué tout ça. Pas lui. Il n'avait donc pas fait une mauvaise action. Sa nouvelle religion ne lui en tiendra pas rigueur ! Enfin, c'est vrai qu'il pourrait aider à nettoyer pour augmenter son quota bien remplit de bonnes actions, mais.... faire cendrillon, lui ? La bonne blague. Il ne touchera pas la serpillière, il n'est pas une servante.
En plus, il ne s'excuse même pas.
Voilà qu'un autre venait lui faire des reproches. Celui qui portait des lunettes.

Pourquoi j'ai fait ça ? Il hésita un instant à lui répondre avec sincérité ou le prendre de haut juste pour le plaisir de se rebeller et parce qu'il était vexé qu'on lui dise de nettoyer. J'ai vu un truc dans la carafe. Elle était dangereuse.

Il fit la moue, il commençait à se sentir oppresser avec trois personnes autours de lui.

ROOOH CA VA C'EST BON !!! VOUS ALLEZ PAS FAIRE VOS VIEUX GRINCHEUX LA ?!  

Il gonfla les joues et arracha le chiffon blanc des mains de Diego. Il jeta par terre qu'il prenait pour une simple serviette en tissu, il s'agissait en réalité du cadavre du petit Teru. Mais comment pouvait-il le comprendre ? Le fantôme a juste quitté l'objet qu'il était en train de posséder voilà tout !
Le tissu tomba dans la flaque d'eau qui se trouvait au sol et il posa sa chaussure dessus pour éponger du bout du pied. Oui. Il ne s'abaissait même pas pour nettoyer.
D'une part car il avait sa fierté d'Italien, d'autre part parce que cette grande flaque d'eau le....... le mettait mal à l'aise.

C'est pour ça qu'il ne s'était pas lavé depuis plusieurs jours. C'est parce qu'il avait toujours peur que quelque chose en sorte et l'attrape.

OK boomer, c'est bon je l'ai fait t'es content ?

Ouai, non, il a à peine essuyé. Il en reste encore plein. En plus, comme le chiffon s'est rapidement imbibé et saturé d'eau sans être essoré, il a plus poussé la flaque sous la table qu'autre chose.
Pendant ce temps, quelqu'un appréciait sa lecture loin de tous les conflits. C'est ça, être smart !

Je m’étais raidi. Morte, la créature était bien morte, il n’y avait aucun doute là-dessus. Que faisait-on dans ces cas de figure ? Je n’avais pas souvenir de l’existence du moindre cimetière à Weirdtown. Tout comme c’était la première fois que quelqu’un mourrait sous mes yeux. Pourquoi donc cette scène m’était familière ? Pourquoi donc avais-je l’impression d’avoir eu ce sentiment d’impuissance qui me nouait le ventre ? Sans doute était-ce mon imagination qui me jouait des tours. Toujours était-il que j’étais policier, j’aurais dû protéger cette créature, quand bien même le petit fantôme n’appartenait pas à la même espèce. J’espérais qu’il n’avait au moins pas souffert. Alors que les ordres fusaient et que mon collègue se chargeait d’appeler du renfort, le sale garnement continua sa rébellion. Je devais quant à moi faire un grand effort sur moi-même pour ne pas hausser la voix lorsque je le vis se saisir du corps du défunt comme s’il ne s’agissait que d’un vulgaire torchon. Ce n’était qu’un enfant, il n’avait sans doute pas fait attention au petit fantôme qui se tenait là. Il n’avait probablement pas conscience de sa mort. Était-ce nécessaire de le culpabiliser après les propos du propriétaire du magasin ? Mon intuition me soufflait que non, malgré le côté éffronté du collégien. Je me doutais que les réprimandes ne méneraient à rien avec ce genre d’individu. De toute manière, je n’étais pas responsable de son éducation.

« Je ne crois pas qu’il l’ait fait exprès... »

Cette phrase était autant destinée aux autres qu’à moi-même. Non, ce n’était pas une tentative d’assassinat. Pourquoi un collégien en voudrait-il à la créature ? Nul doute, que lorsque les autres débarqueraient, ils seraient moins enclins à être patients avec lui. De mémoire, c’était la première fois qu’une mort survenait dans la ville de l’étrange. Ils seraient au taquet. De mon côté, je souhaitais saisir ma chance de mener l’enquête pacifiquement. Il avait vu quelque chose dans la carafe ? Certains diraient que le collégien avait simplement fait son intéressant tel l’adolescent qu’il était. Pourtant, j’avais appris à ne pas sous-estimer Weirdtown et ses mystères. J’avais la sensation que c’en était un. Ainsi, je le croyais lorsqu’il affirmait avoir vu quelque chose de dangereux dans la carafe – tout du moins, de sa perspective.

« Une créature se tenait là, elle est morte entre les griffes du chats suite à la surprise générale. » expliquai-je, il était inutile de cacher l’affreuse vérité, « Qu’as-tu vu dans la carafe ? Quelque chose t’a effrayé ? »

Il était difficile de garder son sang froid en ces circonstances. Pourtant, alors que je l’observais, j’avais pris garde à parler de la voix la plus calme possible. Il n’avait pas agi ainsi sans raison valable, j’en étais presque sûr.

Plus Samantha lit les mots écrits en latin, plus son visage se tord de frustration. Les lettres et les symboles narguent ses yeux hypnotisés, et l’humiliation n’en finit pas. Elle tourne frénétiquement les pages, il y a forcément quelque chose dedans pour elle. L'horreur de la scène devant elle semble bien secondaire alors qu’elle est définitivement obsédée par le livre.

C’est seulement la voix tonnante du propriétaire qui lui fait lever les yeux. Le silence pesant qui suit la stoppe net. Il est clair que personne ne sait vraiment comment réagir. Elle réalise à nouveau ce qu’il vient de se passer.
Que faire du corps ? Eh bien, pour un humain, qu’il s’agisse effectivement d’un homicide involontaire ou d’une mort accidentelle - ce qui est pour le moment bien difficile à déterminer, il faudrait appeler la police dans tous les cas pour constater. Mais il s’agit ici d’une créature, et Samantha a une étrange sensation de déjà-vu. Un étrange instinct de survie, si lointain qu’elle se demande s’il ne viendrait pas d’avant son emménagement à Weirdtown.
C’est ça, elle se souvient : ils ne doivent SURTOUT ne rien dire à personne, ni à la police, ni aux médecins, et encore moins à la population. Seulement au FBI, à sa hiérarchie. Et au gouvernement.

« - Je vais appeler des renforts. Ne touchez à rien.
- Non !... »

Trop tard, Samantha a juste le temps de se lever du siège que le policier est déjà dehors au téléphone, et qu’il a déjà sûrement donné l’adresse à ses collègues.
Merde.
Et le jeune homme aux cheveux noirs qui pose des questions au gosse à propos d’une carafe d’eau. Elle n’a pas fait attention à la discussion précédente, quelle carafe d’eau ? Celle retournée sur la table ? Il n’y a rien autour, juste de l’eau et des gâteaux trempés. Et puis quelle importance ?

Samantha est de plus en plus confuse et ses pensées sont de plus en plus embrouillées, elle n’est clairement plus dans son état normal. Elle doit gérer ce cadavre de créature, à sa façon, et faire taire son obsession toujours plus grandissante pour la Bible indéchiffrable.
Et puis le gamin.
Hors de question que la police l’embarque. Sous ses airs effrontés, il doit avoir des réponses pour elle, c’est évident. Il ne doit pas partir, elle sait d’avance ce qu’il va se passer : il va aller pour se faire interroger, et elle ne pourra n’avoir accès au dossier seulement dans quelques mois le temps de classer l’affaire. Et encore, si et seulement si on lui en autorise l’accès. Non, le gamin est trop important, et elle ne doit pas sortir du tattoo shop sans réponse. Ce livre n’est pas arrivé dans ses mains par hasard. Les coïncidences, ça n'existe pas.

« - Maintenant ça suffit ! Je m’occupe de lui. »

Elle attrape le garnement par le haut du bras devant les yeux des deux autres hommes avec une poigne surprenante. Elle regarde partout dans le salon, il n’y a pas vraiment d’endroit à l’écart où ils pourraient discuter discrètement. Tant pis, elle le dirige dans un coin, elle va devoir faire ça ici.

Samantha fixe le garçon dans les yeux. C'est peut-être un maillon dans le complot, un disciple à son service, mais ce n'est qu'un enfant.
L'agente prend une grande respiration, tentant tant bien que mal d'apaiser ses mains tremblantes. Elle doit le convaincre de coopérer. Alors à presque sa hauteur, elle lui chuchote :

« - Ecoute-moi bien. Au cas où tu n'aurais pas encore bien compris, ça a l'air de te faire rire, mais t'es dans un sale pétrin. Mais ton livre là, fait-elle en agitant la Bible dans l'autre main, il m'intéresse. Alors t'as deux options. Soit tu viens avec moi, là maintenant, tu me dis tout ce que tu sais sur le livre, et j’appelle mes collègues pour négocier pour toi avec la police pour te laisser tranquille en retour. Soit je te laisse gentiment avec la police et l'agent Feng là-bas, et bon courage. »

C'était aussi ses deux options à elle, finalement : S'occuper de la mort de la créature, et essayer de cacher ce qu'il s'est passé. Ou tenter sa chance d'avoir quelques informations sur les machinations des Croyants.
Elle ne pourra pas tout faire.

Il est... complètement perdu. Il fait un pas en arrière tel un animal acculé. Ils sont tous autour de lui. Il voit ce chiffon blanc, c'est l'objet de la discorde. On lui parle de mort, on le réprimande, on appelle des renforts. Il déglutit. Il est jeune, il n'a que 13 ans. Il fait son fier, mais bientôt, il se sent oppressé et intimidé par ces adultes. Ces regards déçus et désapprobateurs sont lourds à soutenir.
Il fait le lien et tente alors de se défendre.

Mais !! Je l'ai vraiment pas tué !! C'est un fantôme, il est pas mort ! Il est parti posséder un autre objet !

C'est vrai quoi ! On peut pas tuer un drap volant ! C'est la définition même du fantôme, c'est comme ça que les enfants se déguise pour les représenter. Pourquoi ils en font tout un fromage ? Il va revenir, ce n'est qu'une question de secondes... de minutes.... d'heures ? Ou alors, il ne revient pas exprès pour leur faire croire qu'il est mort, mais il ne peut pas l'être !
Ce n'est pas possible qu'il finisse en prison pour un malentendu pareil. Il est Italien, il peut forcément s'en sortir... il faut qu'il réfléchisse... on lui a certainement appris à faire ça... sa mémoire... fouiller dans sa mémoire.
Son regard se dirige vers Diego. Ce qu'il y avait dans la carafe, rien, mais s'il sortait un mensonge assez élaboré ça pourrait le faire. Il n'aime pas mentir, mais, il a bien senti un truc pas net avec cette eau. Il n'en aurait pas peur comme ça sinon, pas depuis ces quelques jours et sans raison.

Et puis, voilà encore quelqu'un. Elle l'attrape par le bras et se met à son niveau. Sauf qu'elle, elle lui offre une porte de sortie. A travers... la bible ? Le culte ? Elle s'y intéresse ? Il pourrait ramener une nouvelle adepte et bien se faire voir !! Mais hum, c'est pas celle dont on lui a dit de méfier ? Il y a bien une femme qui rode autour de la cathédrale. Si ça se trouve...

C'est OK !!

Pas beaucoup de résistance. Il faut dire qu'il regardait cette femme avec un regard si brillant. Comme une maman. Depuis qu'il était là, ça a toujours été figure maternelles qui sont venues le sauver, hormis son modèle de cow-boy Jacob. Alors avec elle, il ne ferait pas le petit ado rebelle.

Je vous jure qui avait un truc dans l'eau ! Y'avait un truc malfaisant ! Je l'aurais pas renversé juste comme ça sinon ! Je suis pas débile au point de gâcher le buffet !

Le buffet où il se sert et effectivement il prend des petits fours là où c'est encore sec, c'est-à-dire les derniers et se laisse entraîner par l'agent du FBI. Elle va le sauver, elle connaît des personnes bien placées et ça l'intéresse !
Il aime se faire un réseau de personnes importantes.

Si vous vous intéressez à ce livre c'est que vous voulez rejoindre vous aussi la voie du Créateur... j'y croyais pas au départ non plus, mais, il existe vraiment vous savez.

Dona allait-il s'en sortir si impunément ? Par un simple coup de chance ?

Pourquoi l’agent Collins s’emportait-elle sur un simple livre ? Cela ne lui ressemblait guère, c’était une femme des plus sérieuses. Je me doutais qu’il y avait quelque chose derrière tout ceci, quelque chose que j’ignorais et que les informations détenues par cet enfant devaient relever de la plus haute importance. Non, connaissant l’agent Collins de réputation, elle ne réagirait jamais de la sorte pour des broutilles. Était-elle en mission, dans ce shop ? L’avais-je dérangée d’une quelconque manière ? J’espérais que non. Toujours était-il que je n’insistai pas, pas plus que je ne me mêlai à tout ceci. Reculant de quelques pas, j’écoutais attentivement les propos de l’enfant. Il avait vu quelque chose dans l’eau ? La voie du créateur ? Était-il donc un croyant ? On voyait souvent l’agent Collins près de la cathédrale, cela avait-il un rapport avec tout ceci ?

Je n’osais émettre le moindre mot, me sentant inutile et un peu de trop face à cette scène. Entendant les sirènes, je lançais un regard désolé à mon collègue, qui aurait sans doute mieux voulu profiter de ce moment. Il n’y avait pas de morts à Weirdtown, pas vrai ? Pourquoi tout ceci sonnait donc aussi faux ? Cela ferait-il la une des journaux ? Des mystères… Toujours des mystères… Je m’étais placé quelque peu en retrait, ne souhaitant guère trop me mettre en avant. J’avais échoué à protéger cette petite créature, je n’avais pas été à la hauteur. Et maintenant ? Allions-nous rentrer chez nous ? Dans tous les cas, la petite fête se terminait d’une manière des plus lugubres.